© Shutterstock
Il est urgent d’instaurer un dialogue environnemental au sein des entreprises et les CSE ont un rôle fondamental à jouer. Si historiquement, le rôle social du CSE était d’améliorer les conditions de vie et de travail des salariés, il semble aujourd’hui nécessaire que cette instance représentative s’inscrive dans une démarche de protection de l’environnement. Par Constance de Cambiaire
L’urgence climatique nécessite la sensibilisation du plus grand nombre aux enjeux de la transition écologique et les CSE ont une force de frappe importante via les salariés et leurs familles. Un constat partagé par une majorité d’élus de CSE, démontre une enquête baptisée « Avantage CSE et transition écologique : des enjeux compatibles ? », réalisée par Maxime Balsat, chargé d’affaires chez Adaxtra et Agnès Rivière, membre du CSE chez Salesforce France. « 82 % des élus de CSE et des salariés estiment que le CSE a un rôle à jouer dans la transition écologique et deux tiers d’entre eux pensent que cela améliorerait l’image du CSE auprès des salariés », explique Maxime Balsat.
Les CSE disposent du pouvoir de gestion directe des activités sociales et culturelles. Une véritable manne car les dépenses ASC et les achats des salariés associés à ces subventions sont estimés à 11 milliards d’euros par an, soit un tiers du budget du ministère de la Transition écologique. Concrètement, les élus sont libres de déterminer la politique sociale, les activités individuelles et collectives qu’ils entendent proposer aux salariés de l’entreprise. En achetant des biens et des services auprès de prestataires, ils ont un rôle important à jouer en matière de développement durable. Une demande qui se fait de plus en plus pressante du côté des salariés, en quête d’initiatives écoresponsables plus nombreuses.
Mais un nécessaire effort de communication s’impose de la part des élus car le CSE « n’est pas forcément identifié comme l’interlocuteur privilégié des salariés de l’entreprise. Les préoccupations écologiques des bénéficiaires du CSE ne se matérialisent que rarement par des demandes concrètes au CSE sur des sujets verts, qui restent bien souvent l’apanage des directions RH ou RSE », mettent en garde les auteurs du Livre Blanc[1].
9 salariés sur 10 favorables aux avantages durables
Malgré cette prise de conscience, peu de CSE sont passés à l’action. À ce jour moins de 5 % du budget des activités sociales et culturelles est alloué aux actions écologiques.Pourquoi si peu ? « Lorsqu’on interroge les élus, ils mettent en avant plusieurs freins parmi lesquels, le manque de moyens (40 % d’entre eux), la difficulté à trouver les bons fournisseurs (38 % des élus interrogés), le manque de temps (36 %) amplifié par le passage des CE au CSE, mais aussi la crainte que cela déplaise aux salariés », explique Maxime Balsat.
Le rapport met également en avant « la peur de cliver » des élus de CSE. « Les élus ont à cœur de plaire à la majorité, et craignent – même si nos résultats tendent à suggérer l’inverse – que les avantages verts ne soient plébiscités que par une faible partie de leurs collègues », soulignent les auteurs du rapport.
Certains élus expliquent aussi qu’à l’instar des avantages traditionnels, il est de plus en plus difficile d’obtenir l’attention de salariés sur-sollicités : cibler les bonnes prestations et communiquer efficacement sur le terrain est un défi pour les élus CSE. Enfin, quelques élus soulignent le risque associé aux limites de tolérance de l’Urssaf parfois difficiles à appréhender lorsque l’on met en place des avantages qui sortent de l’ordinaire.
Pourtant les salariés semblent plus que jamais prêts. Selon le Livre Blanc, 9 salariés sur 10 souhaiteraient bénéficier d’une offre partielle ou complète d’avantages durables émanant du CSE.
Cartes cadeaux responsables
Pour répondre à cette demande, les CSE disposent de deux leviers d’action : le volet social et culturel et le levier économique.
Premier axe sur lesquels les élus peuvent privilégier des solutions écoresponsables : les cartes cadeaux, toujours très populaire auprès des salariés. Certains CSE ont ainsi choisi de proposer à leurs ayants droit des chèques traditionnels et des solutions plus responsables, comme l’offre écolo des chéquiers verts proposés par la startup Green Capital. Ces chèques sont acceptés dans plus de 1 000 points de vente, soit tout un réseau de magasins spécialisés (mode éthique, location de vélo, fruits et légumes, artisanat…). « Nous avons une charte stricte. Pour référencer une enseigne, nous nous assurons que l’écologie fasse partie de son ADN », détaille François Racle, cofondateur de la jeune pousse.
Une offre qui a séduit plusieurs centaines d’entreprises de toute taille. « Ce chéquier est une manière de donner un coup de pouce aux salariés désireux de s’engager dans une consommation durable », précise-t-il. Pour encourager la consommation locale, les bénéficiaires peuvent proposer leurs adresses ou leurs magasins afin que ces derniers soient référencés et deviennent partenaires du chéquier vert.
Sandrine Barbosa, secrétaire du CSE de l’entreprise Sfil (400 salariés) a été surprise par l’engouement des salariés. « L’année dernière, nous avons décidé de proposer à nos salariés et ce pour la première fois des chéquiers verts. Carils correspondent exactement au message que nous voulons faire passer. Ces derniers ont été surpris et ravis par cette initiative car ils ne connaissaient pas cette offre », témoigne-t-elle.
Subventionner des offres locales
Autre possibilité existante sur le marché, la carte Ethi’Kdo. Lancée en 2019 par une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), il s’agit de la première carte cadeau française permettant d’offrir uniquement les produits d’enseignes 100 % durables et solidaires (Label Emmaüs, Artisans du Monde, Croix-Rouge Insertion, Réseau Envie…). Cette carte référence plus d’une centaine de marques pour plus d’un million de produits dans les domaines de la mode responsable, des cosmétiques zéro déchet, des jouets écoconçus, des smartphones reconditionnés… Le CSE d’Eco-Mobilier (50 salariés) a décidé d’envoyer un questionnaire aux collaborateurs de l’entreprise pour leur demander s’ils préféraient recevoir pour Noël une carte cadeaux classique multienseigne ou la carte Ethi’Kdo. La réponse est sans appel : « Les deux tiers de nos collaborateurs se sont prononcés en faveur de la deuxième », se félicite Virginie Lefevre, élue du CSE, ajoutant que « le respect de l’environnement et les valeurs sociales font partie intégrante de l’ADN de l’entreprise. » Les élus peuvent aussi sensibiliser les salariés au travers de leur politique relative aux voyages. Ils peuvent par exemple décider de subventionner des offres locales, plus respectueuses de l’environnement. « Certains CSE par exemple décident de ne sponsoriser que des voyages en France et en train ou encore des séjours dans des fermes pédagogiques pour les enfants des salariés au lieu de proposer des week-ends à l’autre bout du monde », détaille Maxime Balsat.
Les possibilités offertes aux élus sont nombreuses. Ces derniers peuvent transformer les activités existantes du CSE en des alternatives écoresponsables, comme organiser une soirée de Noël zéro déchet par exemple.
Une épargne salariale verte
Au-delà des chèques cadeaux et des voyages, les CSE peuvent mener de nombreuses actions bien plus abouties au sein de l’entreprise : organiser des conférences sur le zéro déchet, négocier avec la direction la suppression des gobelets en plastique, appuyer la création d’une prime pour les mobilités douces ou créer une AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) sur le lieu de travail. Dans certaines entreprises, la mise en place du tri sélectif, qui n’est pourtant pas une prérogative d’élus, a ainsi été impulsée par le CSE.
Les CSE peuvent aussi proposer des solutions d’économie circulaire et collaborative au sein des entreprises avec, par exemple, la mise en place de services de location de vêtements pour enfants, du partage de matériel de bricolage ou de loisirs. Une solution considérée favorablement par 57 % des salariés interrogés. Au sein d’Alcatel-Lucent Entreprise de Illkirch, entreprise de conception d’équipements de communication de 450 salariés où la CFDTest majoritaire, le CSE a investi dans du matériel locatif au profit des salariés (outils de jardinage, de bricolage) mais aussi pour faire la fête (sono, gobelets lavables, …). Il a également acheté une caméra thermique afin de sensibiliser le personnel sur l’isolation de leur maison[2].
Autre possibilité : organiser des ateliers et des conférences au sein de l’entreprise pour informer les salariés aux enjeux de la transition écologique. Les élus peuvent aussi faire le choix de subventionner des dépenses visant à réduire l’impact personnel, comme le financement de diagnostics thermiques du logement. Ils ont aussi la possibilité d’apporter un soutien administratif aux salariés souhaitant opter pour une chaudière plus écologique.
Sur le volet économique, les CSE peuvent peser sur les décisions de la direction relatives à la gestion écologique des locaux ou le fléchage de l’épargne salariale. Les dispositifs issus de l’épargne salariale peuvent aussi être mobilisés pour inciter les salariés à adopter une attitude écologiquement responsable. Poussant la logique encore plus loin, certaines entreprises n’ont pas hésité à intégrer des critères écolos dans le calcul de la participation annuelle, faisant varier la rémunération de leurs collaborateurs en fonction de la consommation de papier, d’énergie ou encore de la quantité de déchets.
Pour être plus audibles auprès de la direction sur ses enjeux écologiques, de plus en plus de CSE choisissent de mettre en place une commission environnementale.
[1] « Avantage CSE et transition écologique : des enjeux compatibles ? »
[2] Article complet à lire sur Grand-Est CFDT