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Entre 11 et 15 millions : soit l’estimation du nombre de proches aidants en France. Si 61 % d’entre eux doivent concilier vie professionnelle et horaires d’aidants évalués à 8,3 heures hebdomadaires, seuls 26 % d’entre eux en ont informé leur employeur*. Le CSE a un rôle déterminant à jouer auprès de leurs ayants droit aidants, en se formant et en les informant des allocations, structures et professionnels de santé à solliciter…
Avec l’éveil de l’aidance en France, de nombreux produits, services et événements à destination des aidants voient le jour. Par ailleurs, les mesures prises par le gouvernement sont restées timides et ce, même dans le cadre de la campagne présidentielle. « La crise sanitaire dure, les aidant(e)s sont en première ligne pour accompagner leurs proches au quotidien et pourtant, aucun candidat à l’élection ne mentionne leur existence ! Avec cette interpellation, nous souhaitons mettre en lumière leur rôle mais aussi alerter les candidats sur l’état d’épuisement de ces 11 millions de personnes sans qui notre système de santé ne tiendrait pas », soulignait avant le 1er tour Alice Steenhouwer, présidente du Collectif Je t’Aide qui organise la Journée nationale des aidants le 6 octobre 2022.
Et deux semaines plus tard, le 22 octobre dernier, l’Assemblée nationale approuvait à l’unanimité l’élargissement des critères pour bénéficier d’un congé dédié aux proches aidants.
Zoom sur le congé de proche aidant
Un document fourni à la rédaction de Social CSE par FamyHelp, application créée par Agnès Dupuy, destinée aux aidants familiaux et gratuite pour eux, indique que « depuis 2017, il existe un congé rémunéré destiné aux proches aidants. Dévolu aux salariés de droit privé, aux fonctionnaires mais également aux travailleurs indépendants et aux demandeurs d’emploi, il permet de mettre en suspens ou de réduire pendant un laps de temps le contrat de travail de l’aidant afin qu’il puisse venir en aide à un proche en perte d’autonomie, que ce soit dû à l’âge ou à un handicap. En ce qui concerne l’accompagnement d’une personne âgée, le proche aidant doit résider sur le territoire français, vivre à domicile ou en établissement, être évalué en GIR 1,2 ou 3 (…). D’ici à 2023, ce congé devrait être élargi et prendre en compte les personnes âgées évaluées en GIR 4. » L’application FamyHelp préconise d’adresser un courrier en LRAR à l’employeur un mois avant la prise du congé ou 15 jours s’il s’agit d’un renouvellement. Il n’y a en revanche aucun délai de prévenance si l’état de santé de la personne âgée se dégrade brutalement (certificat médical précisant la perte d’autonomieobligatoire), si l’hébergement en établissement n’est soudainement plus possible ou s’il y a une situation dite d’urgence. L’appli précise même les formalités administratives incombant à l’aidant familial : « Lorsqu’une demande est effectuée, le salarié aidant doit fournir une attestation sur l’honneur selon laquelle aucun congé proche aidant n’a jamais été pris auparavant ou qui précise la durée déjà prise, une déclaration sur l’honneur du lien familial avec la personne âgée accompagnée régulièrement, une photocopie de l’accord de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA). »
Si le proche décède, fait appel à un service à domicile, intègre un établissement ou si une autre personne sollicite un congé proche aidant,le salarié peut mettre fin à son congé à tout moment. Pour cela, il suffit d’envoyer une demande en ce sens à son employeur entre 1 mois et 15 jours avant. Et FamyHelp de conclure : « Pour la recherche d’un service à domicile et tout autre professionnel permettant le maintien à domicile, l’application exhorte les utilisateurs à y avoir recours en la téléchargeant sur Google Play (https://urlz.fr/bTD7) ou via l’Apple Store (https://urlz.fr/cg9Y). »
Dans l’Hémicycle, le 22 octobre, il a aussi été décidé d’indemniser ce congé à hauteur du Smic. Objectif ? Permettre au plus grand nombre de venir en aide à un proche âgé, malade ou en situation de dépendance. Le montant de l’allocation journalière du proche aidant est donc passée en janvier 2022 à 58 € nets (vs 43 € par jour auparavant) pour une personne aidante en couple, 52 € pour une personne isolée. La même revalorisation sera appliquée au congé pour un enfant gravement malade.
Cette mesure vient muscler le volet grand âge du gouvernement porté par Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’Autonomie. Voilà pour ce qui est du coup de pouce des pouvoirs publics.
Pour autant, l’État n’est pas le seul à disposer d’une marge de manœuvre à destination de cette population spécifique. L’entreprise et le CSE peuvent constituer de sérieux appuis pour ces collaborateurs qui œuvrent en toute discrétion. « Par peur d’être stigmatisés dans leur parcours professionnel », suppose Guillaume Staub, cofondateur de Prev&Care, spécialiste des services de prévention et de care management à destination des collaborateurs de l’entreprise aidants familiaux et président du SESP (Syndicat des entreprises de services à la personne).
Reste alors à identifier ces salariés pour briser cette omerta…
La pression au féminin…
Existe-t-il un profil type d’aidants ? Généralement, ils ne sont pas issus du secteur de la santé ou de l’aide à la personne. « Avec le vieillissement de la population, on estime qu’un actif sur 4 sera aidant d’ici à 2030. Les Français aidants confrontés au véritable casse-tête de l’équilibre vie professionnelle et personnelle seront nombreux. Un risque qui n’épargne pas les femmes, bien au contraire, puisque 70 % des aidants pris en charge par notre solution de care management sont des femmes », détaille Guillaume Staub.
À l’origine, la Journée mondiale d’action pour la santé des femmes (le 28 mai cette année) avait pour objectif de combattre la mortalité et morbidité maternelle. Désormais, elle est plus globale. En 2021, l’opération militait pour plus d’égalité entre hommes et femmes face à la santé et pour l’accès à des services médicaux de qualité. Une volonté qui s’applique à de nombreuses femmes en difficulté et notamment aux aidantes familiales qui représentent 54 % des aidants.
« Une aidante familiale consacre en moyenne 18 h par semaine à sa mission (vs 16 h pour un aidant). De plus, elle couvre près de 5 types d’aide (soutien moral, activités domestiques, déplacement, surveillance…) contre près de 4 pour un aidant. Il existe un écart d’engagement entre hommes et femmes pour l’aide à l’organisation des démarches auprès des professionnels de la santé, l’aspect administratif et la réalisation des activités domestiques. Les effets qu’implique ce volume d’investissement au quotidien sur la vie des aidants, sont d’autant plus importants que la situation d’aidant familial dure en moyenne 5 ans, et que 15 % des aidants le sont, depuis plus de 10 ans », rapportait un communiqué de Prev&Care qui cible les directions, CSE, mutuelles, organismes assuranciels et collectivités désireux d’accompagner les salariés ou adhérents aidants. Soutenue par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, l’ARS Île-de-France, le programme européen EIT Health, et l’incubateur Tech4Good #GENStartuppeuse@Essec, l’entreprise s’appuie sur un réseau de plus de 1 000 prestataires et experts de la prise en charge de la perte d’autonomie (maladie, grand âge et handicap).
Les femmes qui se trouvent dans cette situation sont confrontées à de nombreuses difficultés : charge mentale trop importante, fatigue physique et manque de temps notoire.
Une observation partagée par Agnès Dupuy, la fondatrice de FamyHelp. « Nous constatons que les aidants rencontrent de vraies difficultés concernant les tâches quotidiennes. Sur l’appli, 67 % de nos utilisateurs (sur 10 000 au total depuis le lancement officiel en septembre 2020) sont des femmes et nous enregistrons 80 % d’activité sur notre outil. S’il est difficile d’établir une moyenne d’âge, nous savons néanmoins qu’il s’agit d’une majorité de personnes actives ». Sur l’application, on trouve des vidéos pédagogiques thématiques sur l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), la maladie d’Alzheimer… « Nous proposons également un accès à un portail de services géolocalisés de professionnels de la santé et du maintien à domicile et ce, au niveau national. Grâce à un affichage dynamique sur une carte, l’aidant trouve des solutions autour du domicile du proche. Les prestataires sont classés par catégorie afin que la recherche soit simple. » Un outil gratuit pour les aidants regroupant tous les points d’entrée en France, une fonctionnalité que seule FamyHelp propose selon les dires de sa fondatrice. Les élus pourront référencer l’application auprès de leurs bénéficiaires sans impacter leur budget. Seuls les prestataires issus du milieu de la santé s’acquittent d’un abonnement FamyHelp en échange d’une mention de leur nom, activité, n° de téléphone, bouton donnant accès à leur site web… Les aidants peuvent aussi échanger entre eux via un chat fonctionnant comme un réseau social.
Les interactions sociales se révèlent d’ailleurs comme incontournables pour faire (re)connaître leur travail.
Statut ancestral, reconnaissance naissante
Agnès Dupuy tente de rester positive en faisant valoir la petite évolution pour l’aidant salarié dont l’absence était non rémunérée par le passé. Auparavant, les aidants se noyaient dans la paperasse, quand ils parvenaient à prendre connaissance des bonnes formalités administratives à remplir. « Aujourd’hui, pour demander l’APA, il faut faire un dépôt de la demande dans un CCAS, une maison d’autonomie… C’est un peu plus encadré mais les règles varient selon les conseils régionaux. Des assistantes sociales sont même là en renfort pour aider à la constitution des dossiers. Encore faut-il se diriger vers la bonne structure pour retirer un dossier. FamyHelp les guide et leur alloue un accès trié et rapide à l’information, explique-t-elle. Outre la solution innovante du care management, les aidants ne doivent pas négliger le Cesu préfinancé, les solutions de portage de repas pris en charge par l’APA, d’aide-ménagère, le Chèque Sortir, le Cesu psychologue… »
Elle reconnaît toutefois les limites du système qui l’ont poussée à lancer l’application FamyHelp. « Il y a 15 ans, j’ai créé une entreprise de services à domicile rayonnant dans 9 agences sur Lyon. Le terme ‘aidant’ qui n’existait pas encore, a vraiment fait son apparition en 2018. Le 1er choix des seniors étant de rester chez eux, ils ont eu besoin de l’aide d’un proche. Et dégager du temps de recherche pour parer à leur état de dépendance est compliqué pour l’aidant », expose-t-elle. À cela, s’ajoutent la distance géographique, l’éclatement de la famille, le volet émotionnel généré par une situation anxiogène.
Le congé de proche aidant doit d’ailleurs pallier ces inconvénients. De 3 mois fractionnables et renouvelables jusqu’à une durée totale d’un an lors d’une carrière, le congé proche aidant indemnisé et né il y a seulement un an, peine à se déployer. À date, moins de 5 000 personnes en ont bénéficié. Selon la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), plus de 15 900 demandes ont été déposées. Hélas, la plupart ne rentrait pas dans les critères d’attribution. Brigitte Bourguignon entend étendre ce congé « aux proches aidants de personnes dont le handicap ou la perte d’autonomie peuvent, sans être d’une particulière gravité, nécessiter une aide régulière », comme les personnes en niveau de dépendance GIR 4 (GIR 4 désigne une personne nécessitant une aide pour la toilette et l’habillage, mais s’alimentant seules, ndlr).
Voilà pourquoi des associations comme le collectif Je t’Aide trouvent elles aussi leur place dans le combat des aidants. « Ce que l’on peut faire au niveau national, c’est faire évoluer les lois pour leur accorder plus de répit, plus de congé et plus d’aides financières. Nous leur donnons de l’information et les orientons vers les structures qui peuvent les soutenir au quotidien, souligne Morgane Hiron, déléguée générale du collectif. Enfin, nous les rendons visibles via de grandes campagnes de communication pour mettre en avant leur travail, invisible et gratuit aujourd’hui… »
D’après Agnès Dupuy, l’entreprise est en mesure de soutenir ses salariés aidants. « Elle peut proposer de la conciergerie d’entreprise et du care management pour soulager le collaborateur de ses tâches quotidiennes. » Des services pouvant être subventionnés par le CSE, à l’image de ceux de Prev&Care qui se définit comme le 1er service de prévention et d’assistance dédié aux salariés aidants et à leurs proches fragilisés. Pour le moment, cet acteur plus que légitime travaille avec les directions d’entreprise. « Nous constatons que les mesures des pouvoirs publics n’ont pas forcément l’impact escompté. Un an après l’entrée en vigueur du congé aidant, seules 15 900 personnes ont demandé à bénéficier du dispositif. Cela fait peu, sur 15 millions d’aidants familiaux dont 68 % ont une activité professionnelle, déplore Guillaume Staub, cofondateur de Prev&Care. Prev&Care ambitionne d’améliorer la condition des salariés aidants et la confiance des entreprises engagées avec nous. Nous proposons notre service à plus de 190 000 salariés pour les alléger du poids que leur impose le soutien d’un proche fragilisé. »
Voilà peut-être la solution pour garantir le répit des aidants, à condition d’évangéliser à la fois l’entreprise et les élus de CSE…
Care manager-aidant, le binôme gagnant ?
Le care management, pivot de l’activité de Prev&Care est sans conteste une soupape. Les entreprises qui travaillent avec elle assurent ainsi le bien-être de leurs équipes et leur évitent les phénomènes d’isolement, de décrochage et parfois de burn-out. « L’entreprise s’abonne pour offrir aux collaborateurs un care manager qui accompagne le salarié dans une démarche de services de soins souvent stressante et chronophage. Pour la DRH, le responsable QVT et le CSE qui peut subventionner, la démarche est inclusive », relate Guillaume Staub. Prev&Care est né d’un constat établi dans l’univers du maintien à domicile. « Une expérience passée m’a conduit aux problématiques des aidants. Ces derniers étaient confrontés à la mise en place d’un auxiliaire de vie auprès d’une personne âgée désireuse de rester chez elle le plus longtemps possible. À l’époque, les aidants avaient beaucoup de questions : aide financière, téléassistance, éloignement géographique… Un vrai parcours du combattant pour un proche. » Il y avait dans l’aidance en France, un véritable enjeu social, économique impactant à la fois la RSE, l’égalité professionnelle, la QVT.
L’aidant est confronté à la fois à la survenance de la perte d’autonomie, à la prise en charge d’urgence, la recherche d’informations parmi une pléthore de données et à la méconnaissance des prestataires santé. À cela s’ajoute, la quête d’aide financière, la rencontre avec les professionnels de santé, leur coordination et le pilotage de la démarche. « Si des dispositifs existent néanmoins, personne n’assure l’accompagnement de l’aidant du début à la fin comme le font nos care manager chez Prev&Care », conclut son président.
Mais qu’est-ce qu’un care manager ?Il s’agit en définitive d’un expert des questions sociales et familiales et des impacts sur l’aidant, soit un seul et même interlocuteur chez Prev&Care pour le salarié accompagné, répond Guillaume Staub. Comprenez « un tiers de confiance, salarié en CDI à temps plein et chargé de faire une évaluation multidimensionnelle de l’aidant pour proposer un plan d’aide personnalisé en 24 heures. » Plusieurs étapes ponctuent le travail du care manager chez Prev&Care : la restitution écrite de l’échange avec l’aidant détaillant l’accompagnement, l’estimation budgétaire et une recommandation personnalisée auprès de prestataires de confiance supervisés. Très important : l’anonymat du salarié auprès de l’entreprise est garanti et toute la partie administrative est consignée dans un espace sécurisé conforme au RGPD. « Gratuit pour le salarié qui n’honore que les émoluments des prestataires de santé, l’entreprise s’acquitte de la facture de Prev&Care (voir notre encadré). »
Une profession d’ailleurs récente, comme l’atteste Véronique Prothais, care manager chez Care at Work, l’une des marques militant pour le mieux vivre à domicile, sous la houlette de Silver Alliance (4 M€ de CA, 35 marques, 3 000 agences sur toute la France).
Sensibilité aux problèmes des aidants
Le parcours professionnel de Véronique Prothais est atypique. Après avoir effectué une 1e année de médecine, elle a fait un pas de côté en tant qu’hygiéniste puis a intégré le milieu de la restauration. Durant la période où elle était directrice adjointe d’un grand établissement de restauration au sein du groupe Flo, elle fut aussi aidante de 2006 à 2017 auprès de sa mère souffrant d’Alzheimer et de son père, atteint de la maladie de Charcot. Par chance, son supérieur, plus âgé et compréhensif car confronté à une problématique similaire, lui a accordé le droit de s’absenter et une flexibilité dans ses horaires. « Étant membre du CE et CHSCT, mes heures de délégation m’aidaient pour travailler. En outre, ma famille m’a beaucoup épaulée. » Véronique Prothais confie avoir eu en parallèle des problèmes de santé qu’elle n’a hélas pas eu le temps de traiter à ce moment. Dépourvue de ressources, en dehors de l’accompagnement de son médecin traitant, son statut d’aidante a pris fin lors du décès de ses parents. « La problématique de l’aidance était totalement méconnue à l’époque. J’ai passé mon temps à effectuer des recherches sur les aides. Une situation très anxiogène… » Après10 ans d’aidance, une expérience en tant qu’élue de CSE, 3 rachats en restauration dans le cadre desquels elle a aidé ses collègues à partir dans de bonnes conditions, Véronique Prothais effectue une reconversion professionnelle. « J’ai même repris mes études, après cette longue expérience en hôtellerie-restauration. » Elle décroche son Master en école de commerce à l’Edhec pour intégrer le groupe Elior, mais est coupée dans son élan par la Covid, au terme de ses études en 2020. « J’ai eu un projet à réaliser pour l’Edhec dans la Silver economie, un thème d’avenir. Ajouté à mon passé d’aidante, j’ai alors suivi un cursus de coordinateur d’hébergement et de structures pour personnes âgées, validé en juin 2021. En décembre 2020, j’ai intégré en parallèle la Silver Alliance, spécialiste du grand âge et de la perte d’autonomie, pour devenir care manager au sein de Care at Work. »
Née il y a deux ans sur l’initiative du créateur de la Silver Alliance, Care at Work vise à mieux conseiller la QVT des salariés et la RSE des structures via plusieurs solutions dont Partner’s Conseil. Les entités de la Silver Alliance ont ainsi signé une charte pour aider les salariés à concilier leur vie professionnelle et familiale. « Le care manager est là pour favoriser la reconnaissance du proche aidant, être en contact avec le CSE et les RH pour aller vers une reconnaissance de ce statut. Cela passe par plusieurs dispositifs tels que des mutuelles, assurances, accords cadre, aides financières, groupes de parole, webinars, formations, congés rémunérés, aménagement du temps de travail. Tout ceci est nécessaire pour tenir compte des collaborateurs concernés par l’aidance », poursuit Véronique Prothais, désormais experte médico-sociale du grand âge, go-between entre l’aidant, l’aidé, leurs droits et accompagnante dans toutes leurs démarches. En charge d’une quarantaine de salariés aidants, Véronique Prothais « prend soin d’eux tout en garantissant le RGPD. »
De l’écho, côté entreprises ?
Évidemment, le déploiement d’un service de care management au sein d’une entreprise a un coût et nécessite en amont un audit en interne pour détecter les besoins et l’âge des salariés potentiellement concernés. Il va sans dire qu’il sera difficile pour les TPE ou PME dont la masse salariale est faible d’y avoir recours. Idem dans les jeunes pousses. « De toutes façons, les jeunes salariés dans les start-up sont peu touchés. Ce sont surtout les sociétés du CAC 40 qui se posent davantage la question du bien-fondé d’un tel service. De fait, cela améliore leur image de marque. En outre, il ne faut pas oublier qu’un salarié épuisé ou pris par ses obligations d’aidant finira par être absent », alerte Véronique Prothais dont la prestation commercialisée depuis début fin 2021 cible surtout les RH, moins les CSE qui pourraient à moyen terme découvrir une nouvelle offre. Chez Silver Alliance, le dipositif est bien rôdé. Chaque entreprise signataire de l’offre dispose d’un code, décide du créneau du rendez-vous, et de son format (en visio ou au téléphone). L’entretien dure entre 45 minutes et 1 heure pour recueillir toutes les problématiques des salariés aidants. À charge au care manager de réaliser un diagnostic. « J’établis ensuite un plan d’aide aux aidants avec toutes les ressources existant dans leur entreprise (service social, mutuelle…) et à l’extérieur (portage de repas, aide-ménagère, solutions d’accueil de jour près de chez l’aidé, accueil de jour pour l’aidant…) », détaille la care manager qui tient aussi compte de l’éloignement géographique aidants-aidés complexifiant la prise de RDV médicaux. À la fin de l’entretien avec l’aidant, un autre échange est fixé sous 15 jours pour débriefer et répondre à d’autres questions portant notamment sur le répit des aidants, des éventuelles médiations avec la famille et autres solutions complémentaires.
Factuel, Guillaume Staub s’appuie sur des données chiffrées extraites d’une étude Ipsos-Macif datée de 2020. « Avec 15 millions d’aidants en France dont 60 % de femmes, et 73 % des actifs dont l’âge moyen environne les 49 ans, les entreprises ont un véritable rôle à jouer, à l’instar des élus de CSE. En 2030, un actif sur 2 sera aidant et 6 sur 10 feront l’objet de surmenage. Et déjà, 46 % des aidants actifs ont réduit leurs horaires de travail, aménagé leur poste ou arrêté de travailler. » Créé en 2017 avec une commercialisation de ses prestations en 2019, Prev&Care recense à date 15 entreprises clientes parmi lesquelles Aviva, Panzani, Crédit Immobilier de France, Indigo… Et au vu des avancées de l’aidance, ce chiffre ne pourra que s’accroître au fil du temps.
Et si l’argument ne fait toujours pas mouche auprès des entreprises, le cofondateur de Prev&Care brandit l’argument du portefeuille qui ne devrait pas les laisser insensibles. Un motif imparable que pourront également s’approprier les élus de CSE pour négocier ce service auprès de l’employeur. « 6 Md € par an, c’est le coût induit pour les entreprises des salariés aidants d’un proche fragilisé par l’âge, la maladie ou le handicap ; soit 20 % des salariés français. Ce qui représente en moyenne 1 600 € par salarié et par an ».
Comment parvient-on à de telles sommes ? ? Là encore, l’éloquence des chiffres : « 90 % des salariés aidants évoquent stress, anxiété et fatigue, 40 % d’entre eux sont en dépression. Pour finir, 83 % des salariés aidants recherchent ainsi un soutien au sein de leur entreprise », conclut Guillaume Staub. CQFD…
*Les données sont issues de l’Observatoire de la BPCE publié en mai 2021 et de la DRESS (Direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques)
Article rédigé par Aude Aboucaya