Juridique

Quelles infos à remettre à l’embauche ?

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Les salariés ont le droit de savoir

Finie l’époque où les salariés étaient recrutés sur une simple, franche et virile poignée de main. À rebours des engagements zéro papier, même l’embauche des salariés croule désormais sous la paperasse.

Depuis un décret du 30 octobre 2023, l’employeur doit en effet remettre un certain nombre d’informations au nouvelles recrues.

« Je vous veux dans mon équipe ! …

… On fera les papiers plus tard ». Cela en étonnera plus d’un, mais, en matière de contrat de travail, la rédaction d’un écrit n’est pas obligatoire. Seules certaines formes de contrats doivent faire l’objet d’un écrit, notamment ceux à temps partiel et ceux à durée déterminée. S’ils ne sont pas couchés noir sur blanc, ils sont requalifiés en CDI, la forme de droit commun du contrat de travail.

Pour un contrat à durée indéterminée, dire à une personne qu’elle est embauchée suffit à l’engager ; l’accord verbal est ainsi reconnu par la jurisprudence. Selon l’adage voulant que les paroles s’envolent et les écrits restent, il est tout de même recommandé de mettre le contrat par écrit. Il est fréquent qu’au moment de la première paie, employeur et salarié aient des souvenirs divergents.

Si l’écrit est important, c’est parce qu’il définit les éléments essentiels du contrat, les éléments formant le socle sur lequel l’employeur et le salarié se sont mis d’accord (ou en tout cas que le salarié a accepté). À ce titre, quatre éléments essentiels cimentent l’engagement : la rémunération, la fonction (et le niveau de responsabilité), l’organisation du temps de travail et le secteur géographique. Toute modification d’un de ces piliers nécessite l’accord tant du salarié que de son employeur ; ce dernier ne pouvant imposer unilatéralement un changement. Définir à l’écrit le socle de la relation de travail permet donc de protéger le collaborateur du pouvoir arbitraire de l’employeur.

Un peu de rigueur dans ce désordre administratif

En France, on aime centraliser et regrouper. C’est pour cela que l’on fait des codes. Certains avocats vous le diront, retracer la carrière d’un salarié nécessite des talents d’enquêteurs, celui-ci n’ayant parfois d’autre souvenir de son employeur que ses bulletins de paie (dans leur version non simplifiée).

Désormais, l’article R. 1221-34 du Code du travail liste un certain nombre d’informations devant être données à l’employé au moment de son embauche (en principe sous un délai de sept jours pour l’essentiel d’entre elles).

En synthèse, les éléments à remettre peuvent être répartis dans les catégories suivantes :

  • les basiques : l’identité des parties à la relation de travail (l’employeur et le salarié) et la date d’embauche ;
  • les éléments essentiels du contrat : l’employeur doit ainsi préciser le lieu de travail (si elle est distincte, il faut mentionner également l’adresse de l’employeur), l’intitulé du poste (ce qui inclut les fonctions et la catégorie socioprofessionnelle ou la catégorie d’emploi), les éléments constitutifs de la rémunération (notamment si une part variable est prévue), et enfin, la durée de travail ainsi que ses modalités d’aménagement (le salarié est-il soumis à une annualisation ? À un forfait ? Est-il uniquement aux 35 heures de droit commun ?…) ;
  • les données propres à certaines catégories d’employés : dans le cas des salariés temporaires, il faut préciser l’identité de l’entreprise utilisatrice, pour ceux en CDD, il faut spécifier la date de fin ou la durée prévue du contrat ;
  • en cas d’option période d’essai : la durée et les conditions de cette dernière ;
  •  les informations sur les droits du salarié. Doivent ainsi être précisés le droit à la formation assuré par l’employeur conformément à l’article L. 6321-1 du Code du travail, la durée du congé payé auquel le collaborateur a droit chaque année, et la procédure à observer par l’employeur et le salarié en cas de cessation de leur relation de travail. L’employeur a un mois pour les transmettre ;
  • le cadre juridique entourant le contrat, à savoir les conventions et accords collectifs applicables à l’employé dans l’entreprise ou l’établissement ainsi que les régimes de protection sociale dont il bénéficie (la fameuse mutuelle d’entreprise, mais également les autres garanties pouvant être souscrites par l’employeur). Cette catégorie est essentielle au salarié pour connaître l’environnement juridique de la société, notamment concernant le temps de travail, fréquemment organisé par accord collectif.

Signez ici, ici, et encore ici

Toutes ces informations doivent être transmises par le biais d’un ou plusieurs documents écrits, remis sous format papier. Le contrat de travail reste facultatif, mais une notice ou un dossier d’embauche doivent, a minima, être remis aux collaborateurs.

L’employeur peut également remettre ces données sous format électronique, à condition que le salarié dispose d’un moyen d’accéder à ces informations sous une telle forme, que celles-ci puissent être enregistrées et imprimées et que l’employeur conserve un justificatif de la transmission ou de la réception de ces éléments.

Et si l’employeur oublie ? S’il ne remet pas les informations après une mise en demeure du salarié, celui-ci peut saisir le Conseil de prud’hommes qui pourra ordonner une communication forcée. En pratique, une simple demande, s’appuyant sur l’article R. 1221-34 du Code du travail, devrait suffire.

Attention, informations non contractuelles ?

C’est un débat de juristes qui intéresse pourtant les salariés. Parmi toutes ces informations, lesquelles auront un caractère contractuel ? La question est importante car tout ce qui revêt un caractère contractuel nécessite un accord des deux parties pour être modifié. Typiquement, l’employeur ne peut changer unilatéralement la rémunération d’un employé.

Le fait que les informations soient données par écrit a-t-il ainsi pour effet de les graver dans le marbre ? La réalité est plus compliquée. Les données relevant du socle contractuel nécessiteront toujours l’accord du salarié pour être modifiées. En revanche, il faut les distinguer de ce qui relève de la simple information donnée au salarié. Par exemple, la convention collective ou la mutuelle appartiennent à cette catégorie. De même, si le temps de travail est organisé dans l’entreprise par le biais d’un accord d’annualisation – ce qui doit désormais être indiqué par écrit au salarié – les modifications de cet accord s’imposeront également à ce dernier.

Il faut donc déterminer ce qui relève de la négociation directe entre le salarié et l’employeur (même si l’on sait qu’elle consiste souvent à faire signer un contrat tout prêt au collaborateur) des questions décidées à un autre niveau. La mention de ces dernières ne vaut ainsi pas contractualisation, mais simple information de la personne embauchée.

Article rédigé par Pierre Corbier, avocat cofondateur de Komitê

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