
Le « dialogue social groupe » n’a pas de définition unique ; le « groupe » revêt des réalités variées selon les entreprises : national ou international, avec son siège en France ou à l’étranger, constitué de quelques sociétés ou de nombreuses filiales. De plus, le dialogue social d’un groupe découle d’une histoire et de négociations qui lui sont propres ; des groupes qui négocient des accords engageants pour leurs filiales, certains qui privilégient la décentralisation du dialogue social ou d’autres qui développent un socle social commun.
Pour un élu de CSE, il est donc parfois difficile de se repérer parmi l’arborescence d’instances : délégués syndicaux (DS) de groupe ou centraux, comité de groupe, CEE, CSE-C, négociations d’UES… Cet article, fondé sur notre expérience chez Plein Sens, vise ainsi à proposer une lecture théorique de l’organisation du dialogue social au sein d’un groupe, afin d’apporter quelques clés d’actions pour les élus.
1. Quelle instance pour quel sujet ?
Il n’existe pas de réponse standard à cette question. Cependant, pour simplifier, distinguons deux dimensions centrales du dialogue social en entreprise :
- La représentation du personnel – Le CSE est au centre du dialogue social d’entreprise, mais d’autres niveaux de représentation s’y ajoutent dans les grandes entreprises, tels que le comité d’entreprise européen pour les groupes européens présents en France et le comité de groupe pour ceux ayant un siège en France. On peut noter également le CSE-C (comité social et économique central) qui, pour les grandes entreprises françaises, constitue souvent le cœur du dialogue social national avant le comité de groupe. Enfin, d’autres instances de dialogue social peuvent être déployées par accord à toute échelle pertinente.
- La négociation – Les échelons de négociation sont encore plus flexibles (cf. articles L.2232-30 et suivants du Code du travail). Un accord peut prévoir les modalités de désignation, les prérogatives et le fonctionnement des délégations syndicales, et un groupe de négociation avec des coordinateurs syndicaux peut être constitué (à partir de la représentativité calculée sur l’ensemble du groupe). L’accord signé peut s’appliquer à tout ou partie des salariés.
Rappel du cadre légal :
– Comité de groupe (art. L.2331-1) : constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle.
– Comité d’entreprise européen (art. L.2341-4) : institué dans les entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire afin de garantir le droit des salariés à l’information et à la consultation à l’échelon européen.
2. Un dialogue social centralisé ou décentralisé ?
Le dialogue social adopte 3 principaux modèles influençant la répartition des pouvoirs entre instances représentatives du personnel et entre niveaux de contraintes des accords :
- Décentralisation forte de la négociation et prérogatives des CSE renforcées – Les CSE au niveau des établissements disposent d’une autonomie et d’un niveau d’information significatif. Les établissements peuvent négocier divers accords à partir d’un cadre peu contraignant.
- Centralisation forte de la négociation et prérogatives des comités centraux renforcées – À l’opposé, ce modèle privilégie une centralisation des processus de négociation à un niveau groupe, les expertises sont souvent centralisées et les élus locaux doivent se coordonner pour adresser des problématiques de fond.
- Modèle mixte avec centralisation de la négociation et fortes prérogatives des CSE – Ce modèle centralise les décisions et négociations stratégiques globales, parfois contraignantes pour les établissements, tout en donnant aux CSE les marges de manœuvre pour adresser les problématiques locales de fond.
Testez votre dialogue social « groupe »
– Existe-t-il, à l’échelle du groupe, des accords sur : l’organisation du travail, la qualité de vie au travail, le télétravail, la GEPP, les seniors… ?
– Les délégués syndicaux centraux, nationaux ou de groupe rencontrent-ils plusieurs fois dans l’année le top management du groupe ?
– Le comité de groupe est-il consulté sur les grands projets transverses de l’entreprise ?
– Quand on négocie un accord dans notre établissement, décline-t-on souvent une trame globale ? Plus vous répondez « oui » aux questions listées ci-dessus, plus le dialogue social est centralisé au sein du groupe.
3. Décrypter mon dialogue social « groupe »
Pour décrypter le dialogue social au sein du groupe, il est essentiel de se référer aux accords relatifs au droit syndical et au dialogue social. Ces accords non seulement détaillent les ressources qui lui sont allouées, mais aussi précisent les prérogatives de chaque instance impliquée.
Aussi, il est crucial de faire la distinction entre la négociation et la représentation : les délégués syndicaux sont souvent perçus comme des partenaires réguliers et influents, prenant le pouls des salariés, tandis que les élus des comités (CSE, CSE-C, CEE, comité de groupe…) se concentrent sur les aspects techniques et portent souvent les problématiques locales transverses. Ces deux approches, schématiques, ne s’opposent pas mais se complètent : le dialogue sur la stratégie alimente le travail local et vice versa. Comprendre le rôle du dialogue social local dans un schéma de groupe dépasse la simple observation des accords en vigueur ; il s’agit aussi de saisir son propre rôle au sein de ce processus dynamique.
Les 3 étapes de décryptage du dialogue social groupe (à partir des accords disponibles et de la connaissance historique de vos collègues élus) :
1. Identifiez les différents niveaux d’organisation du groupe (sociétés, pôles, UES…)
2. Recensez les accords de droit syndical et collectifs pour connaître les instances et sujets de négociationde négociation
3. Identifiez les acteurs du dialogue social (et les modalités de nomination) de ces différents échelons : élus, DS, DSC, DSN… mais aussi les représentants de la direction.
Mettez en discussion ces éléments avec vos collègues élus pour identifier vos points de contacts privilégiés en fonction des sujets à porter.
Article rédigé par Inès Haeffner, directrice Conseil, Plein Sens