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Inciter les salariés à venir travailler à vélo ou en trottinette, un bon geste pour la planète et pour la santé… Mais en pratique, les situations sont souvent plus complexes. Comment réduire le risque routier ? Comment développer sur les modes de circulations douces ? Nos réponses.
Par Valérie Pontif
Les chiffres concernant les accidents et risques sur le trajet domicile-travail sont éloquents. Les accidents routiers représentent 1 accident du travail sur 2. Le risque routier est la première cause d’accidents mortels au travail. La voiture reste le mode de transport privilégié pour se rendre au travail (près de 75 % des travailleurs). 14 % ont recours aux transports en commun, 2 % au vélo et 2 % aux 2 roues motorisées et 7 % viennent à pied. Les risques diffèrent suivant le mode de transport utilisé. Parmi les personnes tuées sur le trajet domicile-travail, 48 % étaient en voiture, 37 % en 2 roues motorisées, 4 % étaient piétons et 4 % en véhicule utilitaire. À noter que 79 % des personnes tués sur le trajet domicile/travail sont des hommes. Quant au téléphone au volant, les chiffres sont édifiants : 80 % des travailleurs interrogés déclarent utiliser leur téléphone au volant, contre 60 % en-dehors du travail. 36 % disent lire ou envoyer des SMS ; ce qui multiplie par 23 le risque d’avoir un accident !
La posture de l’entreprise
Les jeunes (15/24 ans) sont particulièrement touchés (21 % des tués alors qu’ils ne représentent que 10 % de la population active). Paradoxalement, 75 % des responsables de sociétés semblent « ignorer » que la route est la première cause d’accident mortel pour les travailleurs. Selon une étude, moins d’une entreprise sur dix donne à ses collaborateurs des consignes écrites sur le risque routier. Pourtant, les infractions routières sont plus fréquentes dans le cadre de trajets professionnels que lors de trajets personnels. À noter, 52 % des travailleurs disent conduire en état de fatigue pour le travail, contre 45 % en temps normal (Observatoire national de la sécurité routière).
Quelles pistes pour réduire le risque routier ?
La prévention peut inverser la vapeur. On ne saurait trop vous recommander d’intégrer le risque routier au document unique ; d’inciter les travailleurs à privilégier les autoroutes et les itinéraires les plus sécurisés quand cela est possible ; de sensibiliser les salariés sur les risques de la conduite en 2 roues motorisées et plus généralement sur les risques de la conduite de véhicules, notamment à travers de la formation à la conduite, des ateliers ludiques…. ; d’assurer une formation avec des prestataires extérieurs sur les risques de la conduite par temps de pluie (freinage, adhérence), l’alcoolémie, la conduite écologique. En parallèle, l’employeur doit garantir un bon état des véhicules d’entreprise, notamment en tenant à jour un livret permettant à chaque utilisateur de faire remonter les problèmes du véhicule ; aménager les véhicules utilitaires pour éviter les projections d’objets en cas de freinage brutal ; repenser le rythme de travail des travailleurs pour éviter les excès de vitesse et garantir des temps de pause suffisants et réguliers ; garantir le droit à la déconnexion pendant le trajet. Inciter les travailleurs à ne pas répondre au téléphone. Certaines entreprises ont confectionné des affiches, messages flash, stickers avec le message suivant : on ne risque rien si l’on ne décroche pas, mais il n’en va pas de même si l’on décroche.
Il faut en outre trouver des moyens pour cibler les populations à risques, notamment les jeunes (usage des réseaux sociaux, messages flash, affiches, quiz, e-learning…) et les conducteurs de 2 roues ; communiquer sur les droits de chacun (ex : sur les voies d’accès à l’entreprise, stationnement…) et le partage de l’espace public pour favoriser le « bien vivre ensemble » et enfin, informer les travailleurs en matière de risques d’accidents et d’assurance pour les vélos et trottinettes (selon qu’il s’agit de trottinettes personnelles, mises à disposition par l’entreprise…).
Comment doper l’usage du vélo ?
Une communication dans l’entreprise sur ce sujet s’impose. À cela, peuvent s’ajouter le versement d’indemnités kilométriques aux salariés mais aussi les formations et la distribution de kits sécurité (port du casque, bandes réfléchissantes, éclairage…). L’entreprise peut également formuler des recommandations d’itinéraires sécurisés (pistes cyclables…) et procéder à la réalisation d’aménagements in situ (emplacements de stationnement pour les vélos, vestiaires, douches).
Une réflexion peut ensuite s’engager sur la manière d’articuler les différents modes de transport. Le poly-usage des transports doit être facilité comme, par exemple utiliser son vélo sur une partie du trajet et prendre le train avec son vélo. On préconise aussi de mieux articuler et créer un code commun pour tous les modes de transport plutôt que de les opposer entre eux. L’employeur peut aussi encourager le covoiturage, la réduction des déplacements en groupant ceux situés dans une même zone géographique, favoriser le télétravail, mettre à disposition un tiers lieu de travail plus proche du domicile.
À noter : il peut être opportun de se rapprocher des complémentaires santé pour travailler en lien avec les entreprises afin de construire des actions de prévention adaptées et éventuellement faire intervenir des prestataires extérieurs (ex : ateliers pour prévenir le risque d’alcoolémie au volant, dangers du téléphone au volant…).
Négocier sur les modes de déplacements
En l’absence d’accord déterminant les sous-thèmes de la négociation annuelle obligatoire (NAO) sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, les thèmes qui doivent être négociés sont fixés par les dispositions supplétives (art. L. 2242-17 C. trav.). La mobilité en fait partie pour les entreprises de 50 salariés et plus. Les mesures négociées doivent prévoir une baisse du coût de la mobilité, favoriser l’usage de modes de transport vertueux, prendre en charge une partie des frais de carburant et d’alimentation électrique des véhicules électriques.
À défaut d’accord, l’employeur doit prévoir un plan de mobilité. Sachez en outre qu’avec la loi de finances pour 2021, le plafond pour le forfait mobilités passera de 400 à 500 €. Dès le 1er janvier 2022, ce forfait devrait pouvoir s’appliquer pour les salariés qui viennent travailler en engins personnels de déplacements motorisés (EPDM), comme par exemple les trottinettes électriques.
Pour aller plus loin, rendez-vous sur le site de l’INRS, Observatoire national de la sécurité routière.