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Parmi les ordonnances prises par le Gouvernement pour adapter le droit du travail à la crise sanitaire, l’une d’entre elles concerne les congés payés et jours de repos. Les salariés vont-ils payer l’addition du Covid-19 ? Notre regard sur ces nouvelles mesures. Par Valérie Pontif
L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de repos constitue un coup de tonnerre pour le droit du travail. Elle intervient dans un contexte où les salariés sont déjà fragilisés : risques pour la santé, pour l’emploi et le pouvoir d’achat. L’ordonnance précitée permet, non seulement à l’employeur d’augmenter la durée du travail dans certains secteurs d’activités[1] et l’autorise, dans certaines limites, à imposer la prise de congés et jours de repos à des dates qu’il choisit, ainsi qu’à déplacer des congés posés. Autre point à noter : ces dispositions sont applicables jusqu’à la fin de l’année 2020. Le régime est distinct selon qu’il s’agit de congés payés ou de jours de repos.
CP : 6 jours ouvrables maximum
Pour pouvoir imposer la prise de congés payés à un salarié, un accord collectif d’entreprise et, à défaut, un accord de branche, est nécessaire. Celui-ci prévoit les modalités d’imposition de jours de congés, le délai de prévenance (l’ordonnance prévoit un délai minimal « symbolique » d’un jour franc), les modalités de fractionnement des congés sans accord du salarié, la possibilité de fixer des congés non simultanés pour des conjoints de la même entreprise, ainsi que la faculté d’imposer des congés par anticipation. Une telle possibilité d’accord interpelle au regard des finalités du droit à congé payé. Dans une décision du 20 janvier 2009, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a estimé que la finalité du congé payé est de « permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs[2] ». Quid des « congés » pris pendant une période de restrictions des activités et sorties ? De tels accords collectifs risquent en tout cas de peser lourdement sur l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle. Comment organiser ses congés avec un délai de prévenance réduit à … un jour franc ?
À défaut d’accord, n’oublions pas que les dispositions du Code du travail restent applicables (date des congés notifiée aux salariés au moins un mois avant le départ sauf circonstances exceptionnelles, accord du salarié pour le fractionnement sauf pour la 5ème semaine…).
Repos : 10 jours maximum
L’employeur peut, de manière unilatérale (pas d’accord collectif à conclure), placer à sa convenance au maximum 10 jours de repos parmi les jours suivants : jours de RTT à la convenance du salarié, jours du compte-épargne temps et repos liés aux conventions de forfait. Sur ce point, l’ordonnance autorise expressément l’employeur à déroger au Code du travail et aux conventions collectives applicables (sans avoir à les réviser) ; ce qui interpelle. Là encore, un délai de prévenance minimal du salarié d’un jour franc est prévu, ce qui impacte la prévisibilité du rythme de travail et marque un recul des droits du salarié. Avec ces mesures affectant les congés et repos, n’est-ce pas le risque d’entreprise qui se trouve, au moins en partie, transféré sur les épaules du salarié ?
- « Secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale ».
- CJUE 20 janvier 2009, C-350/06 et C-520/06.