Juridique

COVID-19 & LICENCIEMENTS Comment sortir de la spirale infernale ?

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Pas une journée ne passe sans l’annonce de massives suppressions d’emplois. Exhortant à ce que « tout le monde joue le jeu » de la relance, le Premier ministre Jean Castex a demandé aux entreprises de s’engager fortement pour l’emploi. Comment inverser la tendance ? Coup de projecteur.

Par Valérie Pontif.

800 000 : c’est le nombre d’emplois qui pourraient être supprimés cette année selon le gouvernement, faisant ainsi grimper le taux de chômage à plus de 10 %. Autre indicateur : la récession devrait atteindre 11 % cette année.  Les voyants sont au rouge ! Derrière ces chiffres, ce sont des milliers de travailleurs dont l’existence est ou risque d’être sérieusement bousculée par l’annonce d’un licenciement, d’une rupture conventionnelle, ou encore d’une non-reconduction de contrat à durée déterminée… Combien d’embauches prévues avant la crise sanitaire seront reportées, voire réduites à néant ?

Les « plans » des pouvoirs publics

Face à cette situation et aux nombreuses incertitudes pesant sur le paysage économique, le Premier ministre a annoncé en septembre dernier un plan de relance, intitulé « France relance » comprenant 3 volets : l’écologie pour accompagner la transition vers une économie plus verte et durable, la compétitivité pour préserver l’emploi et enfin la cohésion pour garantir la solidarité entre les générations, les territoires et les citoyens. En ce qui concerne l’emploi, une baisse de 20 milliards d’impôts de production payés par les entreprises a été annoncée (10 milliards au 1er janvier 2021 et 10 autres en 2022). Un « volet très important » d’allègements de procédure devrait accompagner ce plan de relance, ce qui n’est pas sans susciter l’inquiétude de plusieurs organisations syndicales. En pratique, les mesures de simplification impulsées ces dernières années en droit du travail ont, pour nombre d’entre elles, débouché sur un affaiblissement des droits des salariés. D’où des inquiétudes concernant le risque d’une pérennisation de certains dispositifs qui ont vu le jour au printemps dernier (raccourcissement des délais de consultation du CSE, dispositions en matière de congés, de jours de repos ou de durée du travail…).  

Au-delà de cette pesante incertitude, le plan annoncé par Jean Castex va servir à financer notamment le plan « un jeune une solution » qui consistera à embaucher des jeunes, en particulier en alternance, mais aussi à en former 200 000 vers les secteurs et métiers d’avenir (transition écologique, numérique…) et à revaloriser la rémunération des stagiaires. Les jeunes entrant sur le marché du travail sont en effet particulièrement touchés par la crise. Ainsi que le rappelait le directeur de l’APEC, le volume d’emplois cadres accessibles aux débutants a été réduit de 41 % au premier semestre 2020, par rapport à 2019[1]. D’une manière générale, l’État table sur différents leviers pour casser cette spirale de suppressions d’emplois : d’une part, le recours à l’activité partielle de longue durée, d’autre part, la formation des salariés et des demandeurs d’emplois.

L’activité partielle au service de l’emploi

Largement utilisée durant le confinement, l’activité partielle a été réformée à plusieurs reprises ces derniers mois, si bien qu’il est parfois mal aisé de s’y retrouver. Point important, l’activité partielle de longue durée (APLD), dont les modalités ont été fixées dans un décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020, devrait être l’outil privilégié par les entreprises ces prochains mois. Applicable jusqu’au 30 juin 2022, elle s’adresse aux entreprises connaissant une baisse durable de leur activité. Supposant la conclusion d’un accord d’entreprise, d’accord de groupe ou d’établissement, ou bien un document élaboré par l’employeur sur la base d’un accord de branche étendu (dont la durée pourra atteindre 24 mois), l’APLD permet à l’employeur de baisser la durée légale dans la limite de 40 % (50 % en cas de circonstances exceptionnelles[2]). Les salariés sont indemnisés à hauteur de 70 % de leur rémunération antérieure brute avec un plancher au niveau du SMIC (8,03 €). Dans le cadre de ce dispositif, l’employeur doit prendre des « engagements notamment en matière d’emploi, de formation professionnelle », sans plus de précision sur ces points.  À noter, les représentants du personnel et les organisations syndicales signataires de l’accord devront être informés au moins tous les 3 mois de la mise en œuvre de l’accord d’APLD et avant chaque demande de renouvellement de l’autorisation d’APLLD auprès de l’administration (tous les 6 mois).  Le gouvernement compte sur ce dispositif pour éviter 300 000 suppressions d’emplois en 2021. Quant à l’activité partielle de droit commun (APDC), entrée en vigueur au 1er novembre 2020, elle a vocation à répondre à des besoins ponctuels des entreprises (3 mois maximum renouvelable 1 fois). L’allocation versée aux entreprises est moindre dans ce cadre (36 % de la rémunération brute antérieure des salariés, dans la limite de 4,5 fois le SMIC[3]). À côté de l’activité partielle, un autre outil est destiné à préserver l’emploi, il s’agit de la formation professionnelle.

Le levier de la formation

Le plan de relance prévoit le financement de parcours de formation pour les salariés et demandeurs d’emplois. L’accent est mis sur les « métiers stratégiques de demain ». L’objectif est de former 25 000 personnes dans certains secteurs d’activité déterminés : numérique, transition écologique, secteurs industriels concernés par l’enjeu de souveraineté économique et de relocalisation de la production en abondant leur compte personnel de formation (CPF).

D’autres mesures sont prévues, en particulier le renforcement de la digitalisation de la formation professionnelle (développement des modules digitaux, généralisation de l’équipement en plateforme numérique des organismes de formation). Des fonds devraient également être déployés pour favoriser des reconversions par l’alternance (dispositif Pro A) et financer des comptes personnels de formation de transition. Techniques et complexes, ces dispositifs de formation/reconversion mériteraient peut-être d’être explicités, afin que les travailleurs puissent davantage se projeter et en bénéficier.


[1] N. SILBERT, « La rentrée de tous les dangers pour les jeunes diplômés », Les Echos, 7 septembre 2020.

[2] Plusieurs accords ont déjà été conclus (métallurgie, Syntec).

[3] Ce taux varie de 56 à 60% dans le cadre de l’APLD.

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