Juridique

Des dispositifs de réorganisation peu adaptés à la situation de crise

Photo d’ouverture : © iStock

Les récents textes ont introduit trois nouveaux dispositifs permettant aux directions d’entreprise de gérer les réorganisations : la rupture conventionnelle collective (RCC) et l’accord de performance collective (APC) sont nés des Ordonnances Macron (septembre 2017) et l’activité partielle de longue durée (APLD) a été instituée dans le cadre des mesures d’urgence liées à la crise sanitaire (juin 2020).

Par Julien Sportes, président de Tandem Expertise.

Ces dispositifs complètent donc le Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), procédure existante de longue date mais dont les modalités légales de mises en œuvre sont souvent jugées par les directions comme trop rigides (délai, procédure, format de négociation) et insuffisamment sécurisantes (homologation Direccte et risques prud’homaux).

Ces trois nouveaux dispositifs se distinguent du PSE notamment sur deux points communs fondamentaux : les mesures sociales accompagnant les ruptures de contrat sont quasi-inexistantes dans le cadre de la RCC, l’APC ou l’APLD et le rôle des Directtes est réduit à la vérification du respect de formalités, d’ordre administratif, dès qu’il s’agit d’un accord majoritaire.

Pour la RCC, sous le prétexte du recours aux volontaires (dont il serait souvent nécessaire d’en vérifier la réelle « volonté »), les textes ne prévoient que des principes généraux et des mesures sociales à minima. Pour l’APC, ces mesures sociales sont réduites à leur plus simple expression alors que le licenciement des salariés peut intervenir dès lors qu’il refuserait l’application de l’accord collectif. Pour l’APLD, les mesures sociales ne sont pas prévues puisque le salarié sera jugé démissionnaire alors même que l’application de l’accord pourrait réduire son salaire net de 7 % pendant deux ans.

Le législateur renvoie les partenaires sociaux à la négociation pour l’amélioration du contenu des accords, à défaut d’avoir imposé des contreparties plus favorables aux salariés. Or, cette négociation est très délicate, voire impossible, en période de crise au cours de laquelle les directions mettent en avant les difficultés économiques et l’absence de moyens.

Dès lors, ces dispositifs apparaissent d’autant plus déséquilibrés et inadaptés en période de crise économique pour traiter le sort des salariés impactés par les réorganisations ou refusant l’application des accords « collectifs ». Il est donc malheureusement probable qu’ils contribuent, dans une certaine mesure, à accentuer la crise sociale, sans pour autant permettre réellement d’endiguer la crise économique.

Les questions environnementales, nouvelles attributions des CSE ?

Suite à la Convention Citoyenne Climat (CCC), un projet de loi « portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » devrait être présenté en conseil des ministres en février 2021 et, éventuellement, à l’Assemblée nationale en mars 2021.

Sans revenir sur la polémique concernant les mesures de la CCC écartées ou limitées, nous pouvons retenir que ce projet de loi prévoit que les CSE et les organisations syndicales pourraient être sollicités sur les questions environnementales. En effet, l’article 16 du projet de loi indique des modifications de certains articles du Code du travail.

Les articles L.2442-12 et L.2242-20 qui définissent l’obligation de négociation triennale de la GPEC comprendront une mention complémentaire : « pour répondre notamment aux enjeux de la transition écologique ». De même, les articles L. 2312-17 et L.2312-22 qui portent sur les consultations annuelles récurrentes du CSE et plus spécifiquement celle concernant la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi intégreront une dimension supplémentaire : « Cette consultation prend en compte les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise ». Nous pouvons toutefois regretter que ce thème n’ait pas donné lieu à une nouvelle consultation à part entière plutôt qu’un rattachement à la politique sociale (emportant une déconnexion potentielle avec la situation économique et financière).

Si nous devons rester prudents quant à l’aboutissement de ce projet de loi (le chemin législatif sera long et semé d’embuches par ses opposants), nous pouvons nous réjouir de ces nouvelles avancées pour l’environnement. En outre, au-delà de la loi qui sera finalement votée, les décrets seront cruciaux pour mesurer les réelles chances de voir ces préoccupations avancer au sein des entreprises.

D’ores et déjà, un devoir de vigilance s’imposera pour les élus afin d’éviter les écueils souvent listés en matière de lutte pour l’environnement : éviter le « greenwahing » souvent constaté dans les rapports RSE des plus grandes entreprises (large communication à défaut de réelles actions) et permettre un véritable échange avec les élus et les organisations syndicales pour faire évoluer l’activité, les politiques de production et les emplois.

L’enjeu environnemental est trop important pour ne pas saisir ces nouvelles opportunités de peser sur les débats au sein des entreprises.

Quel rôle du CSE pour la conditionnalité des aides publiques aux entreprises ?

Julien Sportes, président de Tandem Expertise

Un récent rapport rédigé par des parlementaires le 31 mars 2021 met à nouveau le sujet de la conditionnalité des aides publiques sur le tapis. Ce thème revient fréquemment dans le débat public dans la mesure où la question des contreparties à l’octroi de ces aides publiques reste un sujet sensible depuis l’officialisation des bilans peu flatteurs du CICE en matière d’emplois.

La crise économique, consécutive à la crise sanitaire, a conduit à démultiplier les aides publiques de soutien aux entreprises. Néanmoins, les montants en jeu tendent à crisper le débat car les organisations syndicales ont, à juste titre, le sentiment que ces aides publiques ne sont pas assorties de garanties sociales suffisantes.

En effet, les contreparties sociales demandées aux entreprises pour l’octroi des aides sont très peu définies : très faibles engagements en matière d’emploi au travers des accords APLD mais pratiquement aucun engagement en matière de salaire, de formation, de conditions de travail ou encore d’environnement. Aucun indicateur objectivable n’est prévu pour identifier les efforts consentis par les entreprises et les mécanismes de contrôle administratifs a priori comme a postériori de l’octroi des aides sont pratiquement inexistants.

À ce titre, il est regrettable que le législateur n’ait pas envisagé que le CSE puisse jouer un rôle dans cette situation avec une consultation en bonne et due forme dédiée à ce sujet et un recours potentiel à expertise pour en examiner la pertinence et l’utilité.

Enfin, aucune pénalité n’est applicable en cas de défaut des entreprises à l’exception des éventuels remboursements des aides perçues alors que des sanctions financières supplémentaires auraient pu être légitimes.

Ainsi, à l’heure où la réforme de l’assurance chômage prévoit un durcissement des conditions de bénéfice des allocations et justifie le maintien des allocations à la recherche active d’un emploi, un parallélisme des formes aurait été bienvenu vis-à-vis des entreprises et l’octroi des aides publiques.

Il serait temps d’imaginer que le plan de relance économique soit corrélé à un plan de relance sociale ambitieux, doté de moyens financiers tout aussi conséquents.

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