Dossier

Face à la crise, la culture se réinvente

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Tenet, le film de Christopher Nolan a relancé cet été la fréquentation des salles qui a atteint début septembre des niveaux comparables à ceux des années précédentes. De quoi mettre du baume au cœur des cinémas, même si l’évolution de la pandémie reste incertaine. Musées et théâtres, contraints par l’obligation de limiter le nombre de visiteurs, tentent d’adapter leur offre.
Par Anne Thiriet.

Associé à d’autres films français, le blockbuster a relancé la fréquentation des salles obscures : elles ont accueilli, la semaine de sa sortie, 2,4 millions de spectateurs, soit l’équivalent d’une semaine classique. Plus précisément, la fréquentation des cinémas a atteint 80 % de la moyenne des cinq dernières années à période équivalente. Une nette remontée après un été déprimé.

James Bond attendu pour novembre

Le cinéma reste le loisir préféré des Français. C’est souvent le premier poste de dépenses des CSE. La multiplication de l’offre devrait donc relancer la demande… UGC se veut optimiste. « Beaucoup de films intéressants sont en attente de sortie ou sont déjà programmés. Les résultats de Tenet vont encourager les distributeurs à sortir des films. Tout a été fait pour que les billets soient prorogés afin de ne pas être perdus. Ainsi, la validité de billets qui s’achevait au 30 septembre a été décalée au 31 décembre », souligne Sébastien Giacomoni, directeur UGC Pro.

Laurent Nunez, PDG de Promo-Cinés et de Promo-Spectacles (groupe PromoParcs) tempère : « Nous revenons à la consommation d’avant l’été, très faible. Les 3 mois à venir s’annoncent compliqués, indique le responsable que nous avons interrogé mi-septembre. » Il reste cependant serein. « Les personnes qui achètent des places bénéficient de subventions de leur CSE et donc intérêt à acheter pour pas ne perdre ces avantages. C’est un vrai levier. »  Ont-ils constaté un report sur la vidéo à la demande ? Ce n’est pas une offre que propose en tout cas Club Employés, l’un des derniers arrivant sur le marché avec une offre de gestion globale dématérialisée. « Netflix ou Amazon Prime ne proposent pas de remise. Les CSE n’ont pas de subvention sur ce type d’offres », indique Romain Rostagnat, cofondateur de la société.

Les dernières informations qui tombent confirment une certaine incertitude sur la sortie des films, notamment américains qui représentent en moyenne 65 % du marché français. On attend le nouveau James Bond, avec Daniel Craig pour novembre et Wonder Woman 1984 est programmé à Noël. Prévu en octobre, Mort sur le Nil de Kenneth Branagh est décalé à Noël et Black Widow, le nouveau film de super-héros de Marvel avec Scarlett Johansson annoncé pour novembre a été repoussé à mai 2021. Les programmations des films français restent pour l’heure maintenues, comme celle de Kaamelott – Premier Volet d’Alexandre Astier, Aline de Valérie Lemercier en novembre ou Les Tuche 4 d’Olivier Baroux en décembre.

Côté 7e art, une incertitude se profile aussi du côté des élus. Notamment, au CSE de Montpellier Business School qui souligne que les achats de places de cinéma sont en stand by même si, pour la culture, le cinéma arrive en pole position avec un budget de 10 000 € annuel. Sylvie Aiello, élue, confirme « acheter directement les places de billets chez Gaumont et Mégarama pour les 300 salariés de l’école. Nous avons également le Midi Pass, un chéquier de coupons adapté à la région et utilisable pour le cinéma, le restaurant, le tourisme… Mais il va disparaître. Pendant le confinement, sur le volet des ASC, nous nous sommes engagés avec le prestataire Club Employés à disposer d’une billetterie automatique et à réduire notre charge de travail. Le budget des ASC s’élève à 216 000 € par an. La subvention est de 40 % pour que le billet soit à 5 €. Nous proposons aussi des e-chèques cadeaux de 150 € et un chèque-cadeau de Noël de 30 €. Après le confinement, le mois d’août fut l’occasion pour les bénéficiaires de prendre des abonnements de sport, des journées de spa ».

Des musées désacralisés

Côté expositions, la donne est différente. Habituellement, la France fait figure de championne d’Europe avec 2 fois plus de visiteurs qui se déplacent dans les musées en France en moyenne qu’en Europe (Source : European Group on Museum Statistics). Les entrées de groupes, dont les CSE représentent une part importante, concernent 17 % des entrées, les autres entrées se répartissant entre 81 % d’individuels, et 8 % de scolaires.

Durant le confinement, ces acteurs ont rivalisé d’imagination pour conserver un lien avec leur public voire l’élargir. Si les cinémas n’avaient aucune parade pour cause de fermeture complète, les musées ont pu, pour certains, proposer du contenu virtuel. « La crise sanitaire a confirmé des tendances déjà marquées. On a vu également se développer des visites virtuelles en 3D, des expos permanentes et temporaires et l’utilisation de la vidéo en live pour créer un événement. Le contenu était réalisé dans l’esprit ‘do it yourself’. Cela a permis de désacraliser l’institution », observe Pierre Lochon, fondateur-coordinateur du Club Innovation & Culture France, qui réunit les lieux de culture sensibilisés aux nouvelles technologies. Le Musée Jacquemart André a par exemple invité des navigateurs comme Isabelle Autissier et Titouan Lamazou pour créer un voyage autour de son exposition Turner intime en attendant la réouverture au public le 26 mai. Universcience (la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte) a étoffé son offre en ligne avec une série sur les data sciences et le programme « La science est là » pour apprendre de façon ludique. Le tout gratuitement même si Universcience, qui veut développer des jumeaux numériques de ses expositions, réfléchit aux moyens de monétiser ses contenus virtuels.

Fin juin, la réouverture de la plupart des lieux d’exposition n’a pas compensé la perte sèche du nombre de visiteurs. Il a fallu s’adapter aux nouvelles conditions sanitaires et à la mise en place de jauges de visiteurs pour chaque exposition ou spectacle. Le Musée du Louvre habitué à une clientèle internationale a mis en place une offre « mini-découverte » qui a séduit en autres les visiteurs franciliens (visites de 20 minutes, en anglais et en français, gratuites et sans réservation).

Ou les vacances apprenantes, un dispositif de visites gratuites en groupe, orchestrées par des guides conférenciers pour les jeunes et en concertation avec les établissements scolaires du programme « Ecole ouverte » (académies de Paris, Versailles, Créteil. « Mais qui va aujourd’hui programmer une exposition Toutankhamon, étant donné son coût ?, interroge Nicolas Chauveau Pegaz, directeur général de Pozeo. Les gens ne veulent pas prendre le risque d’une exposition médiatique, coûteuse qui requiert une préparation marketing importante pour obtenir des retombées sur un événement court. »

Le théâtre rencontre les mêmes contraintes que les musées : modifier leur organisation pour accueillir des spectateurs en nombre restreint, revoir les flux de circulation et parfois réduire son offre. À Alfortville par exemple, le Poc, contraint à la fermeture depuis la crise sanitaire, propose une vingtaine de représentations cette saison. Soit seulement 50 % du nombre habituel en raison des conséquences financières dues à la Covid.

L’atout du numérique

Autre impact de la crise sanitaire : le numérique s’est aussi fait une large place dans la gestion de la billetterie. Le Théâtre L’Odéon à Paris oriente les spectateurs vers l’achat en ligne et le billet dématérialisé. Le Musée Jacquemart André est passé au tout internet pour les réservations et a fermé la billetterie physique.

Les prestataires offrent en général deux solutions : une plateforme à gérer soi-même par les élus du personnel et une plateforme où les salariés peuvent acheter des offres pour lesquelles les réductions et subventions sont automatiques calculées et intégrées dans le prix du billet. Mais les CSE cherchent de plus en plus à déléguer la gestion des activités les plus gourmandes. Le phénomène, déjà accentué par la réduction du nombre d’élus depuis le passage du CE au CSE en 2019, devrait connaître une forte augmentation dans le contexte actuel. « L’activité s’est totalement arrêtée de mars à mai. Nous avons assuré des milliers de remboursement de spectacles durant cette période. Beaucoup de tournées et de spectacles annulés ne reprennent pas aujourd’hui. Si les CSE avaient eu à gérer eux-mêmes une telle situation, cela leur aurait pris des centaines d’heures… », souligne Jean-Noël Nunez de Promo-Cinés et Promo-Spectacles, qui annonce un important changement de l’offre sans vouloir nous en préciser les contours : « Elles sont visibles par les CSE qui le demandent », indique-t-il en forme de teasing.  Chez Primoloisirs (Conseil CE), le travail a également consisté « à délivrer des informations sur les modalités de remboursement ou d’avoirs en cas d’annulation ou de fermeture, ajoute Véronique Casasoprana, responsable des achats et partenariats. Nous avons fait de la réassurance en communiquant sur le protocole sanitaire mis en place par nos partenaires. »

Chez Hello CSE, tous les billets sont dématérialisés sur la plateforme personnalisée proposée à chaque CSE. Depuis près de 4 ans, le prestataire a lancé une application mobile « qui a changé la donne, assure Laurent Lefebvre, le cofondateur. Le taux d’utilisation est de 80 à 90 % car la plupart des salariés disposent d’un smartphone pour se connecter alors qu’ils ne n’ont pas forcément d’ordinateur à domicile. Depuis 2020, les nouveaux élus veulent plus de digital sur la billetterie, pour se concentrer sur la communication, les réunions…  Avec la crise, la distribution de la billetterie est compliquée par la mise en place du télétravail dans les entreprises, ce qui va augmenter la demande de plateformes accessibles 7 jours sur 7. »

Primoloisirs (Conseil CE) veut renforcer l’accompagnement des salariés en personnalisant leur parcours numérique. « Une fois que leur CSE s’est abonné, Ils ont accès à l’ensemble de la billetterie qui compte environ 80 000 offres de spectacles et plus de 2 000 salles de cinéma. Nous leur proposons des spectacles susceptibles de leur plaire en nous basant sur les choix qu’ils ont déjà fait », indique Véronique Casasoprana (Primoloisirs). 80 % des produits sont accessibles en e-billets. Jeune acteur sur le marché, Club-Employes lui propose une offre de gestion globale dématérialisée.

Pour attirer de nouveaux clients, le prestataire propose un contrat d’un an pour laisser la possibilité aux CSE de se désengager. À vous de jouer !

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