
Le CSE peut contribuer à doper les actions en sa faveur
Le taux d’emploi direct des personnes en situation de handicap est encore loin des 6 % exigés par une loi de 1987 ! Pourquoi une telle discrimination que le monde de l’entreprise nie ? Les Jeux paralympiques ont montré que la performance n’est pas réservée aux « valides ». Chaque année, la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapés (SEEPH) nous sensibilise mais les actions restent pourtant limitées. Les CSE peuvent mobiliser les employeurs pour que tous les adultes accèdent à l’emploi.
Alors que le mot « inclusion » est rebattu, le dernier baromètre Agefiph paru fin 2022 montre que nous sommes encore loin de l’objectif et que les discours sont plus nombreux que les actes : deux recruteurs sur trois déclarent que l’embauche de personnes en situation de handicap est difficile.
Un handicap pour l’emploi ?
Le taux de demandeurs d’emploi est supérieur parmi cette population et les personnes handicapées sont proportionnellement plus nombreuses à connaître un chômage de longue durée. Les chiffres de la Dares l’illustrent malheureusement puisque le taux d’emploi direct n’était que de 3,5 % en 2021 malgré une obligation légale, vieille de plus de 35 ans. C’est en effet une loi de 1987 qui impose aux entreprises de plus de vingt salariés de compter dans leur effectif au moins 6 % de travailleurs handicapés. Toutefois, le référent handicap en entreprise n’apparaît qu’avec la loi du 22 mai 2019, et seules les sociétés de plus de 250 salariés ont cette obligation. Autant dire que nous n’y allons qu’à très petits pas. Plusieurs lois successives jalonnent cette prise en compte croissante mais lente : obligation d’emploi dans le secteur « ordinaire », entreprises adaptées et services d’accompagnement par le travail pour les personnes ne pouvant pas travailler dans ce milieu ordinaire, négociation obligatoire sur l’emploi des personnes handicapées, obligation de l’employeur de prendre des mesures adaptées…
adaptées…
Le dernier texte législatif date du 18 décembre 2023. Si la loi « Plein Emploi » n’est pas révolutionnaire pour les personnes en situation de handicap, il convient de relever, parmi les mesures, un élargissement de l’accès aux droits associés à la Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), la pérennisation des expérimentations des CDD « Tremplin », et la portabilité des équipements de compensation du handicap en cas de changement d’employeur. La loi « plein emploi » prévoit aussi que, désormais, l’accès à l’emploi passe pour tous les demandeurs d’emploi – y compris lorsqu’ils sont en situation de handicap – par France Travail.
Pratique : S’adresser à la MDPH ?
Chaque département doit être doté d’une maison des personnes handicapées qui offre un accès unique aux droits et prestations qui leur sont réservés. Cette MDPH est le « guichet unique » auprès duquel toute personne handicapée et sa famille trouvent l’accueil, l’information et les conseils pour faciliter leurs démarches. Il s’agit notamment d’évoquer un projet professionnel.
Handicap et travail
Le Code de l’action sociale et des familles donne une définition du handicap à son article L 114 : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Cette définition montre que le handicap n’est pas toujours définitif, peut n’exister que dans certains environnements et qu’un niveau élevé de gravité n’est pas nécessaire pour qu’il soit présent. Le handicap peut être physique, mental, psychique, visible ou non. D’ailleurs la majorité des handicaps ne sautent pas aux yeux.
Le Code du travail (article L 5213-1) précise que le travailleur handicapé est une personne « dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique. » Statistiquement, une personne sur deux sera confrontée à une situation de handicap ou à une maladie invalidante au cours de sa vie. Les Troubles musculosquelettiques (TMS) sont en tête du peloton mais les Risques psychosociaux (RPS) progressent toujours. Des salariés rencontrent des difficultés à leur poste de travail et attendre l’inaptitude est délétère. Autrement dit, l’allongement de la vie professionnelle va mécaniquement augmenter le nombre de salariés en situation de handicap sauf à les exclure du travail, ce qui n’est bien sûr humainement pas audible mais revêt également des enjeux économiques et sociétaux essentiels : comment vieillir au travail en bonne santé ?
Les organismes de placement spécialisés regroupés dans le réseau Cap emploi participent au dispositif d’insertion professionnelle et d’accompagnement pendant la période d’adaptation au poste de travail des travailleurs handicapés. L’entreprise peut s’acquitter de son obligation d’emploi en employant directement des personnes handicapées, en accueillant des stagiaires au titre de la formation professionnelle ou des personnes handicapées au titre de la période de mise en situation en milieu professionnel, en passant des contrats de fournitures, de sous-traitances ou de prestations de services avec des entreprises adaptées, des services d’aide par le travail, des centres de distribution de travail à domicile ou des travailleurs indépendants handicapés et non uniquement en versant sa contribution à l’Agefiph. Depuis 2020, il n’est plus possible de s’acquitter partiellement de l’obligation en concluant des contrats de fournitures ou de prestations de services avec des Entreprise adaptées (EA) ou des travailleurs handicapés indépendants. Toutefois, les dépenses engagées dans ces contrats peuvent être déduites du montant de la contribution.
CSE et handicap
Depuis longtemps les représentants du personnel sont informés et consultés sur le respect, par l’entreprise, de son obligation d’emploi de travailleurs handicapés, et le montant de la contribution versée en compensation du déficit d’emploi au sein de l’entreprise. L’article D 5212-9 du Code du travail prévoit que le CSE reçoive une copie de la Déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH) mais cela ne suffit pas à faire une politique en faveur de l’inclusion de personnes handicapées. Au rang de ses attributions en matière de santé, sécurité et conditions de travail, le CSE a hérité du CHSCT la possibilité de contribuer à l’adaptation et l’aménagement des postes de travail mais il n’est que sporadiquement sollicité et, trop souvent, il n’ose pas s’inviter dans le champ de compétences du responsable hygiène-sécurité-environnement (HSE) alors qu’une réflexion commune serait bénéfique.
La consultation annuelle sur la politique sociale doit être l’occasion de s’attarder sur le bilan de l’entreprise au regard du handicap pour dépasser le seul critère chiffré du taux d’emploi : quels emplois ont été pourvus ? L’accès au plan de développement des compétences a-t-il été du même ordre que celui des salariés sans handicap reconnu ? Des promotions sont-elles intervenues ? Les travaux d’aménagement et les achats de matériel ont-ils été réalisés ? Au fait, où en est-on des engagements pris au PAPRIPACT (Programme annuel de prévention des risques professionnels), etc. Les CSE et les organisations syndicales également doivent s’y pencher et plus particulièrement dans le cadre de la négociation sur la Qualité de vie et des conditions de travail (QVCT). Un accord collectif spécifique pour des actions en faveur de l’emploi des personnes handicapés est possible naturellement. On n’oubliera pas les activités pouvant être confiées au secteur du travail protégé et adapté (ESAT).
Autre prérogative du CSE, les élus sont consultés lorsqu’un salarié est déclaré inapte mais les propositions et le reclassement sont trop rares. Travailler sur la prévention de l’inaptitude et des accidents de travail est bien plus efficace. Un sondage sur les conditions de travail peut nourrir un état des lieux et la réflexion du comité social et économique sur le maintien dans l’emploi et les questions d’usure en complétant une analyse de terrain et l’observation des gestes professionnels. L’intérêt est ici d’avoir une approche collective sans stigmatiser des cas individuels, et d’inscrire les actions dans la durée. Croiser cette étude avec le vieillissement de la population salariée sous l’effet des réformes des retraites a du sens pour aborder une négociation sur l’emploi des seniors. Le handicap concerne tous les âges et genres mais est plus présent avec l’âge et se développe parmi les métiers pénibles. Acteur de la santé au travail, le CSE doit aussi savoir solliciter les Services de prévention et de santé au travail (SPST). Combien de salariés font l’objet d’une Surveillance individuelle renforcée (SIR) ? Quels métiers sont concernés ?
Bon à savoir : Au sujet de l’accord Handicap
L’accord de branche doit être agréé par le ministre chargé de l’Emploi. Celui de groupe, d’entreprise ou d’établissement le sera par arrêté du préfet après avis de la commission départementale de l’emploi et de l’insertion. Des engagements financiers chiffrés seront demandés pour pouvoir les comparer avec le montant de la contribution Agefiph qui ne serait plus à verser.
Le référent handicap
L’enquête Agefiph constate que l’accueil et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées sont facilités en présence d’un référent dans l’entreprise car il pourra intervenir sur l’ergonomie et l’aménagement des postes de travail, des plans de circulation, l’accès aux bâtiments et installations, l’achat d’outils et matériels adaptés, les enjeux de déplacement et la possibilité de télétravail… Sa communication est également importante car accepter le handicap dans l’entreprise, c’est aussi permettre aux personnes qui y sont confrontées de l’exprimer et que leur situation soit prise en compte. Simplifier le quotidien du travailleur handicapé, c’est bien, mais le rôle du référent est aussi d’impliquer le collectif de travail. Il peut former les salariés et particulièrement la hiérarchie pour que le handicap ne soit pas un frein à l’embauche et au développement des compétences, à l’instar de tous les salariés. Bien sûr, cela demande une politique volontariste de l’entreprise.
Des aides existent pour ces dernières afin de favoriser l’insertion. Le guide Agefiph les recense. Ainsi, l’aide à l’accueil, l’intégration et l’évolution professionnelle vise la prise de poste par le travailleur handicapé et bénéficie à l’employeur pour un CDI ou un CDD d’au moins six mois. Cette aide peut être prescrite par France Travail, Cap emploi ou l’Agefiph et peut atteindre 3 150 € tout en étant cumulable avec d’autres aides. Elle peut être renouvelée une fois pour le volet accueil et pour le volet évolution professionnelle. Parmi les autres aides, on retiendra aussi la prise en charge des besoins de mobilité pour le transport par un aidant ou un taxi, par exemple, ou l’aménagement d’un véhicule personnel. Cette aide de 12 000 € maximum est destinée à la personne handicapée et non à l’employeur.
L’Agefiph invite aussi aux bonnes pratiques de communication entre collègues quand l’un d’entre eux est handicapé. Ce sont des points que le référent ou le CSE peuvent diffuser facilement à commencer par le respect (utile pour tous et en toutes circonstances) et une attitude naturelle. Face au handicap psychique, calme et écoute sont importants : il convient de laisser la personne s’exprimer jusqu’au bout même si elle a besoin de temps. On évitera aussi de répéter ou insister si la réponse n’est pas claire. Toucher le collègue à l’épaule pour exprimer qu’on lui adresse la parole est un geste utile face au handicap visuel, comme signaler son départ. La malvoyance n’est pas synonyme de cécité. Le matériel peut être adapté : clavier, écran large et réglage des couleurs. Articuler et parler lentement quand le handicap est auditif sont aussi nécessaires que se placer face à la personne et faire des phrases courtes. Le trouble auditif peut être plus léger mais incompatible avec un environnement bruyant, un open-space. Parler simplement est aussi recommandé quand le handicap est mental. S’adresser à la personne handicapée plutôt qu’à son auxiliaire est un réflexe nécessaire, tout comme adopter son rythme de déplacement et s’asseoir à sa hauteur pour dialoguer quand la personne est en fauteuil… Enfin, le référent devrait savoir orienter l’entreprise sur l’ensemble des aides mobilisables, et des accompagnements proposés par l’Agefiph (FIPHFP pour la fonction publique) mais aussi l’État. L’article L 5213-10 du Code du travail rappelle en effet que l’État peut attribuer une aide financière du fonds de développement pour l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, afin de faciliter la mise ou la remise au travail en milieu ordinaire de production de ces personnes. Cette aide peut également être destinée à compenser les charges supplémentaires d’encadrement. Bien sûr, le CSE sera consulté mais les élus peuvent aussi inviter l’entreprise à étudier ces possibilités. D’ailleurs peut-on parler de RSE (Responsabilité sociétale et environnementale) sans être dotée d’une véritable politique en faveur de l’emploi des personnes handicapées ?
RQTH : Zoom sur l’attribution de la qualité de travailleur handicapé
La qualité de travailleur handicapé est reconnue par décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) sur la base de l’évaluation faite par l’équipe pluridisciplinaire de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Lorsque le handicap est irréversible, la qualité de travailleur handicapé est attribuée de façon définitive. Un employeur ne peut pas saisir la CDAPH pour demander la reconnaissance d’un salarié : la démarche doit être volontaire et initiée par l’intéressé ou ses représentants légaux.
Appliquer ou négocier un accord handicap
Les employeurs peuvent s’acquitter de leur obligation en faisant application d’un accord de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement qui prévoit un programme annuel ou pluriannuel en faveur des travailleurs handicapés. Cet accord doit comporter obligatoirement un plan d’embauche en milieu ordinaire ainsi qu’un plan de maintien dans l’entreprise, rappelle l’article L 5212-8 du Code du travail. En clair, le plan doit fixer un objectif de recrutement ou de taux d’emploi, intégrer la question du recrutement des travailleurs handicapés dans sa Gestion prévisionnelle de l’emploi (GEPP), et donc définir des mesures concrètes comme un accès facilité au site, la formation des recruteurs, la possibilité de logement à proximité, etc.
L’accord doit, par ailleurs, prévoir soit un plan d’insertion durable et de formation, soit un plan d’adaptation aux mutations technologiques bénéficiant uniquement aux travailleurs handicapés déjà dans l’établissement ou en cours de recrutement.
Article rédigé par Ronan Darchen
- Accord Handicap
- Actions
- Agefiph
- Aide
- Autonomie des personnes handicapées
- Cap emploi
- CDAPH
- Chômage
- CSE
- Déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés
- Discrimination
- Emploi
- Employeur
- Entreprise
- ESAT
- France travail
- HSE
- Inclusivité
- Insertion professionnelle
- Maison départementale des personnes handicapées
- Maladie
- MDPH
- PAPRIPACT
- Performance
- Plein emploi
- Politique handicap
- Polyhandicap
- Prérogative
- QVCT
- Responsabilité sociétale et environnementale
- RQTH
- RSE
- SEEPH
- Taux d'emploi
- TMS
- Troubles musculosquelettiques