Avec la crise sanitaire, la vie dans l’entreprise prend une tournure inédite : travail à distance généralisé, règles d’hygiène renforcées, procédure à tenir en cas de contamination. Le bouleversement est tel qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Se reporter au protocole sanitaire du Gouvernement[1] est alors la clé pour y voir plus clair. Coup de projecteur. Par Valérie Pontif.
Avec la deuxième vague et le reconfinement, nombre d’habitudes prises au printemps reviennent d’actualité. En fonction de l’évolution de la Covid-19 et des données scientifiques, le Gouvernement a mis à jour le protocole sanitaire applicable en entreprise. Pour rappel, l’employeur a, en vertu du Code du travail, une obligation de sécurité de résultat pour ses salariés. Il doit mettre en œuvre les principes généraux de prévention définis par le Code du travail pour supprimer les risques à la source et limiter au maximum les expositions qui ne peuvent être éliminées, en privilégiant les mesures collectives de protection des salariés. Une attention particulière doit être donnée aux travailleurs à risque, ainsi qu’aux détachés, saisonniers, titulaires de contrats courts, pour s’assurer qu’ils ont une bonne connaissance des modes de propagation du virus. Par ailleurs, Le Gouvernement a précisé dans le protocole sanitaire que priorité devait être donnée à la concertation dans l’entreprise, en particulier avec le référent Covid, les représentants du personnel et les représentants syndicaux. Est-ce à dire que le protocole peut ça ou là faire l’objet de quelques adaptations ? Le Conseil d’Etat livre un éclairage dans une récente décision du 19 octobre 2020 n° 444809. Selon la Haute juridiction, le protocole sanitaire constitue un ensemble de recommandations sans véritable force contraignante. Pour autant, en cas de contamination, la responsabilité de l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité pourrait être engagée en cas de non-application totale du protocole. Plusieurs thématiques appellent un approfondissement : le travail à distance et la procédure de tests en entreprise.
Le télétravail pour tous ?
Il doit être la « règle pour l’ensemble des activités qui le permettent », précise le protocole. Ce travail à distance doit s’exercer à 100 % c’est-à-dire pas seulement 2 ou 3 jours par semaine. Pour rappel, le télétravail dans le cadre de circonstances exceptionnelles s’impose au salarié, contrairement au télétravail hors période exceptionnelle, qui requiert l’accord du salarié. Inversement, l’employeur est-il vraiment dans l’obligation de mettre en place le télétravail ? En pratique, certains employeurs sont réticents à mettre en place le télétravail malgré le contexte, d’où des déplacements récents de la ministre du Travail sur le terrain pour inciter les chefs d’entreprise à fonctionner ainsi. Pour autant, un employeur qui refuse le télétravail à ces salariés doit le justifier. Certaines activités ne sont toutefois pas compatibles avec le télétravail. Dans ce cas des mesures doivent être prises pour limiter les risques, parmi lesquelles : l’étalement des horaires pour éviter de se trouver dans les transports aux heures de pointe, l’évitement des croisements de personnes aux ports d’entrées de l’entreprise, dans les escaliers, couloirs et bien entendu une hygiène scrupuleuse (désinfection des rampes, poignées de portes, lavage des mains…). Privilégier des bureaux individuels fait également partie des recommandations, avec l’installation de panneaux en plexiglas lorsque plusieurs personnes travaillent dans la même pièce. Il convient également de noter qu’un salarié à risque qui ne peut télétravailler en raison de la nature de son activité, peut demander à être mis en chômage partiel. Autres précisions : l’employeur reste tenu de mesurer le temps de travail de ses salariés, ainsi que le respect des durées maximales et les pause (Cass. Soc. 21 février 2013, n° 11-21599). Quant au matériel utilisé par les salariés pour le télétravail, l’article précisant que l’employeur doit prendre en charge le matériel pour le télétravail a disparu du Code du travail en 2017 avec les ordonnances « Travail ». Pour autant, l’essence de cette règle n’a pas disparu et il serait abusif de mettre à la charge des travailleurs le coût représenté par le télétravail (ordinateur, achat de logiciels, chaise adaptée…). En pratique, de nombreux salariés n’ont malheureusement pas eu d’autre choix que de payer leur matériel et n’ont reçu aucune indemnité de la part de leur employeur ! Il y a là un point de vigilance. Quid des troubles musculo-squelettiques qui découleront d’une mauvaise installation sur plusieurs mois (travail sur une chaise inadaptée 8 heures par jour, travail sur une table basse…) ? Quid du travail sur un ordinateur personnel quand des prises en main à distance sont possibles ? Beaucoup de questions émergent. Une autre concerne les tests Covid réalisés en entreprise.
Les tests Covid
Si les campagnes de test sérologiques ne sont pas autorisées en entreprise, il est possible de proposer aux salariés volontaires et dans le respect des conditions réglementaires, des tests rapides. Attention cependant, le secret médical devra être respecté et aucun résultat ne pourra être connu par l’employeur ou ses préposés. Quant à la prise de température à l’entrée de l’entreprise, elle n’est pas recommandée par le protocole. Si cette pratique est opérée, il convient de s’assurer qu’il n’y a pas d’enregistrement sur papier ou numérisé des relevés de température de chaque salarié, ni d’opération de captation automatisée de température avec caméra thermique. Il est enfin à noter qu’un salarié qui refuse que sa température soit prise pourra se voir refuser l’entrée dans l’entreprise, mais sa journée de travail devra lui être payée.
En somme, la protection de la santé et de la sécurité des salariés dans ce contexte si particulier ne doit pas rimer avec un repli des droits des salariés.
[1] « Protocole sanitaire pour assurer la santé et la sécurité en entreprise », actualisé au 29 octobre 2020, disponible en ligne gratuitement sur travail-emploi.gouv.fr (dernière version applicable à l’heure où nous écrivons ces lignes). Des fiches métiers sont également disponibles sur le site du ministère du Travail.