
Les ordonnances travail de 2017 ont éloigné les salariés de leurs représentants, réduit leur couverture par une instance représentative du personnel (IRP) et fait reculer leur recours aux prud’hommes. C’est ce que constate une étude de la Dares publiée en janvier 2025. Les statisticiens du ministère du Travail ont comparé les relations professionnelles et la négociation d’entreprise entre 2014-2016 et 2020-2022, donc avant et après la fusion de plusieurs IRP dans le comité social et économique (CSE). Avant les ordonnances, 64 % des établissements étaient couverts par une IRP élue ; 61 % après les ordonnances. Les directions interrogées par la Dares justifient ce recul par une baisse du nombre de candidatures aux élections professionnelles. La proportion d’établissements disposant d’un délégué syndical baisse, quant à elle, de 5 points (32 % en 2023 contre 37 % en 2017). D’autre part, les auteurs de l’étude notent qu’« accompagnant un mouvement de centralisation progressive des instances de dialogue social » dans les entreprises multisites, 63 % des établissements de ces entreprises ont un élu présent sur site (-5 points par rapport à 2017). En effet, avant les ordonnances, il y avait un CSE par établissement et un CSE central. Aujourd’hui, il existe juste un CSE au siège. Résultat, les élus sont moins présents sur site. Certes, les ordonnances ont prévu que les CSE centraux puissent désigner des représentants de proximité. Mais seuls 4 % des établissements multisites n’ayant pas d’élu sur place disposent de représentants de proximité. Idem pour les IRP dédiées à la santé. Dans les entreprises employant plus de 300 salariés, une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) obligatoire était censée compenser la disparition des CHSCT. Mais « cette commission est moins systématiquement recensée que ne l’était auparavant le CHSCT », présent dans 99 % des établissements en 2017 contre 93 % pour les CSSCT.
La part des établissements ayant négocié un accord baisse légèrement entre 2016 (58 %) et 2022 (56 %). La présence d’un délégué syndical (DS) est déterminante puisque 83 % des établissements qui en ont un ont négocié. Lorsqu’il existe un DS, ce dernier a le monopole de négociation. Mais, lorsqu’il n’y en a pas, les ordonnances ont élargi les possibilités de négocier avec un autre représentant élu. C’est pourquoi, à rebours de la tendance générale, les établissements sans DS ont un peu plus négocié en 2022 (29 %) qu’en 2017 (27 %). La Dares note enfin un recul « significatif » de 7 points du recours aux prud’hommes, dû au covid mais aussi à l’encadrement des indemnités de licenciement (barèmes).
Article rédigé par Emmanuel Franck