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Le CSE, un acteur clé du dialogue social en entreprise

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Face aux mutations du monde du travail, le CSE joue un rôle clé dans le dialogue social, y compris dans les petites entreprises. Pourtant, son action reste méconnue et parfois sous-exploitée. Comment les élus peuvent-ils pleinement utiliser ce levier pour défendre les intérêts des salariés ?

« Le CSE est une forme de Parlement, même s’il n’y a pas le côté législatif », expose Ronan Darchen expert en relations sociales au sein du cabinet Alinea. Sa mission principale ? « Être une expression collective pour la prise en compte des intérêts des salariés, poursuit-il. Le CSE est un lieu de discussions, d’échanges, de débats et de rendez-vous réguliers qui permet à l’employeur de prendre le pouls de l’état social de l’entreprise et d’entendre la voix des collaborateurs. » En tant que principal interlocuteur des employeurs sur les questions touchant aux conditions de travail – prévention des risques psychosociaux, égalité professionnelle, aménagement du temps de travail… –, et à l’évolution économique de l’entreprise, ses membres disposent d’un droit d’information et de consultation sur un large éventail de sujets, allant de la stratégie d’entreprise aux modifications organisationnelles et leurs incidences sur l’emploi et la formation professionnelle.

Mais pour que cela fonctionne, il faut « un partage de l’information, prévient Ronan Darchen. C’est ce qui fait que le dialogue social fonctionnera ou pas ». Un partage entre, d’un côté, le vécu exprimé par des salariés sur leurs conditions de travail que doit formaliser le CSE, et, de l’autre, des informations de l’employeur sur la conduite de l’entreprise, sa santé économique et les moyens dont elle dispose. Ces informations sont rassemblées dans la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) – ensemble d’indicateurs que l’employeur doit alimenter régulièrement et mettre à disposition du CSE dans toutes les entreprises et organisations de plus de 50 salariés. « Les représentants du personnel doivent toujours être informés de la marche générale de l’entreprise, qu’il s’agisse de ses comptes financiers ou de sa politique sociale, explique Ronan Darchen. Si la BDESE n’est pas toujours alimentée, les législateurs essaient néanmoins de donner à voir. » Marie Buard, secrétaire générale adjointe chez F3C CFDT, regrette que « beaucoup trop d’informations sont centralisées en réunion CSE » depuis leur instauration par les ordonnances Macron de 2017. Du fait de cette charge alourdie, elle déplore « des échanges de moins bonne qualité. Il y a souvent plein de points à traiter. Or, on ne peut pas en aborder 18 lors d’un CSE. On est parfois obligés d’aller au forceps sur certains sujets ». Ce que confirme Christine Lê, secrétaire nationale CFE-CGC national : « Les ordres du jour sont toujours très chargés. » Résultat, « le dialogue social en pâtit, voire se détériore », glisse Marie Buard ; ce qui peut « créer des tensions ». C’est d’ailleurs le constat de Matthieu Sylva, élu CSE chez Randstad Digital : « Avec des réunions sur deux jours par mois et un ordre du jour de 20 à 40 points, beaucoup de sujets génèrent des frustrations chez les élus, n’avancent pas et reviennent sur la table d’un mois sur l’autre. » Le délégué syndical national CFDT F3C constate que le dialogue social au sein de la filiale est « assez tendu », avec « une direction qui freine des quatre fers sur le volet social ». Néanmoins, il reconnaît que le dialogue est meilleur sur des questions plus consensuelles, telles que la fidélisation des talents : « La direction a décidé d’allouer une enveloppe pour favoriser l’égalité salariale entre les hommes et les femmes et pour rattraper les bas salaires. On observe une volonté de faire des efforts », consent-il.

Contraintes multiples

Une communication fluide entre les élus du CSE et la direction permet d’anticiper les difficultés, d’apporter des solutions concertées et de renforcer la confiance mutuelle entre employeurs et salariés. Dès lors, la législation a imposé plusieurs obligations pour faire fonctionner le dialogue social. Au premier rang desquelles, une obligation d’information et de consultation du CSE pour les employeurs, voire de négociations s’il y a des délégués syndicaux sur les sujets économiques, sociaux et stratégiques, et une obligation pour les CSE de rendre des comptes par le biais de procès-verbaux. « Ces obligations viennent structurer le dialogue social dans les entreprises en donnant des échéances et les moyens d’avancer et de rechercher des consensus. C’est un instrument de régulation qui impose des rendez-vous réguliers et formalisés avec des ordres du jour, des engagements écrits, des procès-verbaux dans des salles dédiées avec des représentants du personnel », commente Ronan Darchen. Néanmoins, pour que cela fonctionne, il faut que les représentants du personnel ne se contentent pas d’être seulement « des chambres d’enregistrement ; et qu’elles aient la capacité de prendre des initiatives et de formuler des propositions », plaide-t-il. De surcroît, les employeurs doivent également jouer le jeu. « Si les textes de loi indiquent que ces derniers doivent rendre des comptes sur les avis émis par le CSE, souvent ils ne s’en donnent pas la peine. Ils n’y répondent que trop rarement et les CSE ne les relancent pas », regrette Ronan Darchen. Cela s’avère d’autant plus vrai qu’il n’y a pas de droit de veto ou de sanction applicable lorsque l’employeur ne tient pas compte du vœu formulé par le CSE. Résultat, les représentants du personnel sont souvent « insatisfaits » car leur avis n’a aucune incidence. Matthieu Sylva abonde dans le même sens, regrettant que les avis du CSE soient « rarement suivis dans les faits par la direction qui montre un certain mépris pour le travail des élus ». Là encore, ce type de situation occasionne de « la frustration et échauffe les esprits ». Néanmoins, Ronan Darchen rappelle que le CSE joue un rôle de contre-pouvoir : « Dans le cadre d’un plan de licenciement par exemple, l’instance peut indiquer à l’employeur les lignes à ne pas franchir et l’amener à aménager des mesures autrement. » L’employeur doit particulièrement veiller à ce lieu d’expression et le prendre en compte car les conséquences peuvent être lourdes pour le climat social. « Des représentants du personnel hostiles ou des avis défavorables consécutifs, et c’est le corps social qui se réveille. Cela va se ressentir sur le climat social. Derrière le bien-être du collectif de travail, il y a une notion de performance à laquelle toute entreprise est sensible », prévient Ronan Darchen.

Proximité avec le terrain

Parmi les conseils que l’expert prodigue pour favoriser le dialogue social dans les entreprises, il intime les CSE à « ne pas vivre leur mandat seulement au contact des employeurs » mais de prendre le temps d’aller sur le terrain échanger avec les salariés. « Lorsqu’il y a un projet, le CSE doit pouvoir en parler dans l’entreprise. » Néanmoins, il reconnaît que ce n’est pas chose aisée étant donné que les CSE ne disposent « pas de moyens colossaux » et que leurs heures de délégation sont « limitées ». De son côté, Christine Lê déplore la proximité moindre des représentants du personnel avec le terrain. Selon elle, il y a un bon dialogue social lorsque la direction met en place, en plus des instances, des moments informels comme des petits déjeuners. « Cela évite beaucoup de conflits et permet d’apaiser les relations humaines », plaide-t-elle. Afin de favoriser la proximité avec le terrain, les CSE peuvent également utiliser les outils digitaux. Les plateformes collaboratives permettent de fluidifier les échanges et d’assurer une diffusion efficace des informations. Autre conseil mis en avant : se renseigner et ne pas forcément se contenter des communications fournies par l’employeur. Et, enfin, se former aux missions qui incombent aux membres du CSE, notamment sur la gestion des relations sociales, la négociation collective et le droit du travail. « Ce n’est pas seulement pour les contentieux mais également sur la gestion d’un projet, les RH… », explique Ronan Darchen. Les membres du CSE ne doivent pas hésiter à s’entourer et se faire assister pour se mettre à niveau sur les sujets qui le nécessitent. L’instance peut s’appuyer sur des partenaires comme l’inspection du travail, les Dreets, les experts-comptables, des juristes ou avocats spécialistes du droit social pour accompagner ses démarches et renforcer son action ou via les organisations syndicales et patronales qui peuvent leur apporter des conseils et des ressources adaptés à leur secteur d’activité. « Comme l’employeur prend des conseils à l’extérieur, le CSE devrait lui aussi se faire aider », confirme Ronan Darchen. Il peut également s’appuyer sur des expertises, principalement aux frais de l’employeur, pour l’aider à formuler un avis. « Le droit à expertise a été créé pour permettre à des salariés qui n’ont pas nécessairement le bagage économique ou juridique de parler d’égal à égal avec les employeurs », poursuit Ronan Darchen. Enfin, Marie Buard prône, de son côté, une évaluation systématique du dialogue social dans les entreprises pour jauger les axes d’amélioration possible, tels que cadrer le nombre de points à aborder lors des CSE, les thématiques à l’ordre du jour ou la durée des réunions.

Article rédigé par Charlotte de Saintignon

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