
Cela tombe sous l’évidence, on joue mieux aux cartes en connaissant le jeu de son adversaire. Un CSE bien consulté est un CSE bien informé. Pourtant, trop nombreux sont les élus à recevoir des objections telles que « Vous vous contenterez de la BDESE, le groupe ne veut rien transmettre », « Pas besoin d’expert on vous donnera nous-mêmes les chiffres… ». Sans compter la nouvelle excuse à large spectre : « Le RGPD nous interdit de vous transmettre ces informations ».
Pourtant, le CSE dispose d’outils, qui, bien utilisés, peuvent permettre de peser dans la consultation !
L’intérêt d’être bien informé
Le Code du travail le rappelle à son article L. 2312-15 : le CSE doit disposer d’informations précises et écrites, ainsi que des réponses motivées de l’employeur à ses observations. L’information doit lui permettre tout d’abord de rendre un avis éclairé, mais elle ne se limite pas à cela. La consultation est un lieu d’échanges, où le CSE formule des propositions et des suggestions. Surtout, elle offre la possibilité aux élus d’informer au mieux leurs collègues et de défendre leurs intérêts tout au long de l’année. Le comité s’opposera plus aisément à une négociation d’APC si les chiffres révélés lors de consultations sur la situation financière étaient bons ! De même, il informera mieux les salariés des risques s’il apprend que l’entreprise déménage vers un site non désamianté !
L’information permet d’agir.
L’élément central : la BDESE
Rationalisation oblige, les données transmises au CSE transitent par la fameuse BDESE. Deux articles sont à connaître : R. 2312-8 et R.2312-9 du Code du travail. Ceux-ci listent sous forme de tableaux les informations devant figurer dans la base de données. Pour certaines consultations (notamment celle sur la politique sociale), le Code du travail ne prévoit rien de plus que la mise à jour de la BDESE.
Pour la consultation sur la situation économique et financière, l’employeur doit y ajouter une grande partie des documents comptables de l’entreprise.
Quand la BDESE ne suffit pas
Mais dans la plupart des hypothèses, le Code du travail ne précise pas les informations à communiquer aux élus. C’est le cas de toutes les consultations ponctuelles, obligatoires chaque fois qu’il est question de la marche générale de l’entreprise. La Cour de cassation considère alors que l’employeur doit remettre au CSE des éléments lui permettant de rendre un avis éclairé en appréciant les tenants et les aboutissants du projet soumis. Cela prend souvent la forme de note écrite, décrivant plus ou moins objectivement le sujet de la consultation, accompagnée de documents divers.
Première étape cruciale donc pour le CSE : adresser une liste de questions à l’employeur et solliciter tous les documents relatifs au projet (les plans pour un déménagement, les études de consultants pour une réorganisation, les « benchmarks », le détail des projections chiffrées, la cartographie des effectifs concernés…). Si l’employeur refuse, il est temps de passer à la deuxième étape.
Arguments & objections : À armes égales face à l’employeur
Komitê a relevé quelques prétextes de l’employeur pour refuser de fournir des informations, et vous donne les bonnes réponses à apporter.
Prétexte n° 1 – « Le respect de la vie privée des salariés me l’interdit ! »
La réponse de Komitê : Un grand classique lorsque l’expert demande les rémunérations pour analyser les écarts de salaires, notamment entre les femmes et les hommes. Cependant, la Cour de cassation est formelle, le respect à la vie privée ne s’oppose pas à la communication de documents nécessaires à l’exercice des missions du CSE, surtout que les élus sont tenus à une obligation de confidentialité (l’arrêt à citer au DRH : Cour de cassation, 5 décembre 2018, n° 16-26.895).
Prétexte n° 2 – « La variante : le RGPD me l’interdit ! »
La réponse de Komitê : Beaucoup d’employeurs se découvrent une passion pour le RGPD au moment des consultations du CSE. Cependant, les règles de protection des données ne justifient pas de restreindre l’accès du comité, et surtout de son expert, aux données nominatives nécessaires à sa mission (cour d’appel de Paris, 2 juillet 2020, n° 19/22158).
Prétexte n° 3 – « Ces documents ne sont pas utiles pour l’expertise… »
La réponse de Komitê : L’expert du CSE n’a pas à justifier de l’utilité des documents demandés, et l’employeur ne peut juger si ceux-ci sont réellement nécessaires à ses travaux (Cour de cassation, 12 septembre 2013 n° 13-12.200).
Prétexte n° 4 – « Le groupe ne veut pas !
La réponse de Komitê : L’entreprise est tenue de fournir à l’expert tous les documents réclamés, même ceux appartenant à des filiales ou à la société mère du groupe. Il est de son ressort de justifier de toute impossibilité, faute de quoi elle s’expose à une condamnation.
L’ami qui vous veut du bien : l’expert
Pour ses consultations, le CSE peut se faire assister soit d’un expert-comptable, soit d’un expert habilité. La compétence du second concerne tous les sujets non purement comptables, allant des conditions de travail aux questions d’égalité en passant par la sécurité. Le CSE peut aussi avoir recours à un expert-libre sur ses fonds propres, par exemple un avocat pour étudier une mise à jour du règlement intérieur ou la légalité d’un projet donné.
L’intérêt principal de l’expert est son accès à l’information. L’expert du CSE a ainsi accès à l’intégralité de l’entreprise, comme à l’ensemble des documents auxquels le commissaire aux comptes de la société peut lui-même accéder. L’expert peut, par conséquent, solliciter des documents qui n’ont pas à figurer dans la BDESE. La Cour de cassation a jugé que l’employeur ne pouvait opposer à l’expert du CSE que seuls les documents de la base de données devaient lui être transmis (Cour de cassation, 18 mai 2022, n° 20-21.444). Faire appel à un expert permet d’élargir considérablement l’accès à l’information du CSE, et de ne pas se limiter aux seuls éléments fournis par l’employeur.
À quel moment faut-il saisir le juge ?
BDESE non mise à jour, refus de transmettre des documents à l’expert, absence de réponse aux questions du CSE… Les élus doivent tenir compte des délais de consultation, deux mois en cas d’expertise, un mois sans, délais démarrant à la remise des premières informations par l’employeur. Passé ce délai, l’action est irrecevable. Il faut donc agir (très !) vite. En cas d’inertie de l’employeur, le CSE doit saisir le tribunal judiciaire pour obtenir les informations et documents dont il a besoin pour son avis.
Article rédigé par Pierre Corbier, avocat associé, Cabinet KOMITÊ Avocats
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