Les vacances d’été approchent, avec leur lot d’emplois saisonniers et comme chaque année, des milliers de salariés temporaires, surtout des étudiants, qui comptent sur la période estivale pour gagner une rémunération. A quoi doivent-ils s’attendre ? Quelle est la durée légale, maximale de ce contrat ? Quel salaire touchera-t-il ? L’employeur proposera-t-il un hébergement au saisonnier ? À la fin de la saison, a-t-on accès à l’allocation chômage ?
Le travail saisonnier se caractérise par l’exécution de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons (récolte, cueillette, …) ou des modes de vie collectifs (tourisme…).
Qu’est-ce que le travail saisonnier ?
Cette variation d’activité doit être indépendante de la volonté de l’employeur. Il est possible de recourir à des salariés par des contrats à durée déterminée (article L 1242-2 du Code du travail) mais il convient de distinguer l’accroissement d’une activité régulière du travail saisonnier qui est prévisible et cyclique. Par exemple, impossible de recourir à du travail saisonnier le mois du « blanc » qui correspond en réalité à une période promotionnelle. Même chose pour le fabricant de crèmes glacées qui pourtant connaît une période plus forte l’été que l’hiver. On pourrait aussi penser que l’emploi saisonnier ne concerne que des secteurs d’activité bien délimités mais ce n’est pas vraiment le cas ; il suffit que les tâches spécifiques se répètent en fonction des saisons et des modes de vie collectifs à l’exemple du muguet du 1er mai. « Tâches spécifiques » signifient en revanche que d’autres emplois dans l’entreprise n’auront probablement pas ce caractère saisonnier et coexisteront avec les recrues de la saison. Ainsi, les vendanges dont la durée est courte comme pour le muguet : votre contrat ne sera au plus que d’un mois pour les vendanges et de dix jours pour la cueillette du muguet. Pour le secteur du tourisme, la Cour de cassation reconnaît toutefois le caractère saisonnier de l’activité de l’employeur et l’afflux de touristes aux périodes de vacances justifie le recours au contrat saisonnier bien qu’il s’agisse de l’activité permanente de la société. On connaît d’ailleurs plusieurs saisons touristiques : l’hiver à la montagne, l’été en bord de mer… Des branches d’activité sont évidemment plus concernées comme l’agriculture pour la cueillette des fruits et des légumes.
Contrat de travail obligatoire !
Le saisonnier aura beau être étudiant, il doit avoir un contrat de travail. Celui-ci doit être écrit, signé par l’employeur et remis au salarié dans les 48 heures qui suivent l’embauche. Une durée minimale doit être précisée si le terme n’est pas certain. Mais le contrat saisonnier ne peut excéder une durée de 9 mois. D’autres éléments essentiels doivent figurer au contrat de travail du saisonnier : désignation du poste, rémunération, durée de la période d’essai (qui ne peut dépasser un jour par semaine de travail prévue), caisse de retraite complémentaire et organisme de prévoyance, convention collective applicable. Une clause de renouvellement n’est pas obligatoire si la convention collective de branche ou de l’entreprise ne le prévoit pas. En revanche, dans les entreprises où l’emploi saisonnier est particulièrement développé, l’employeur doit informer le salarié des conditions d’une possibilité de reconduction du contrat avant l’échéance de ce dernier.
En effet, le salarié en contrat de travail saisonnier bénéficie d’un droit à la reconduction de son contrat dès lors qu’il a effectué au moins deux saisons dans une même entreprise durant deux années consécutives et que l’employeur dispose d’un emploi saisonnier à pourvoir, compatible avec sa qualification. Le contrat de travail prévoit alors simplement une priorité d’emploi à la manière d’une promesse d’embauche. Si les contrats sont conclus pendant 3 années consécutives et couvrent toute la période d’ouverture de l’établissement, il est possible de demander la requalification en contrat à durée indéterminée. Pour le calcul de l’ancienneté du salarié, il sera fait cumul des durées des contrats de travail à caractère saisonnier successifs effectué dans l’entreprise.
Le saisonnier acquiert un jour de congé par semaine et l’employeur peut reporter les jours de repos à condition de donner une journée de repos par semaine qui peut être suspendue au maximum deux fois par mois et dans la limite de trois fois pendant la saison. L’employeur peut aussi différer les deux demi-journées de repos hebdomadaire dans la limite de quatre jours par mois, par journée entière ou par demi-journée.
Quelle rémunération pour le saisonnier ?
Le CDD saisonnier et le travail en intérim présentent une particularité concernant le salaire : ils se basent sur une rémunération à l’heure, et non pas mensuelle : alors que la mensualisation prévoit que la rémunération du mois est indépendante, pour un horaire de travail effectif déterminé, du nombre de jours travaillés dans le mois ce ne sera pas le cas du saisonnier.
Pour le salarié saisonnier, sa rémunération sera composée du salaire de base au moins égal au salaire minimum fixé par la convention collective applicable en n’étant jamais en dessous du salaire minimum légal ; soit un montant horaire brut de 11,52 euros en juin 2023. Les plus jeunes connaissent des seuils plus bas : 80 % du Smic pour les 14-16 ans et 90 % pour les 17-18 ans. Au-delà de 18 ans, le salaire doit être au moins égal au Smic. Cette rémunération est complétée du paiement des congés payés, des primes éventuelles (pénibilité, insalubrité, nuisances…) et des majorations, s’il y a lieu pour heures supplémentaires, travail de nuit ou un jour férié. Un contrat saisonnier ne donne pas droit à la prime de précarité, mais il ouvre droit à la prime compensatoire de congés payés (soit 10 % du salaire brut total). Le salarié qui a effectué des heures supplémentaires peut demander à l’employeur la conversion de ses droits à repos compensateur en indemnité afin de ne pas faire obstacle à un autre emploi ou au suivi d’une formation. Pour les intérimaires engagés comme saisonniers, l’indemnité de fin de mission n’est pas prévue par la loi alors que sinon elle est égale à 10 % de la rémunération totale brute au minimum, renouvellement du contrat inclus. Toutefois, la convention collective ou l’accord d’entreprise peuvent le prévoir et dans ce cas, elle figurera sur le bulletin de paie du salarié intérimaire au même titre que les autres primes.
Quelles règles en matière de durée du travail ?
Ce sont les règles prévues par le Code du travail qui s’appliquent sauf convention collective ou accord d’entreprise prévoyant des dispositions spécifiques. Dans le cadre commun, la durée de travail ne peut excéder 10 heures par jour (8 heures par jour pour les moins de 18 ans) et 48 heures par semaine (ou 44 heures en moyenne par semaine sur 12 semaines) et aucun salarié ne peut être employé plus de 6 jours consécutifs. Le repos hebdomadaire est d’au moins 24 heures consécutives, qui s’ajoute à l’obligation de repos quotidien de 11 heures consécutives mais ce n’est pas nécessairement le dimanche. La durée minimale du repos hebdomadaire est néanmoins de 35 heures de suite. Lorsque le repos hebdomadaire n’est pas donné collectivement, un registre du repos hebdomadaire doit être tenu par l’employeur.
Le caractère saisonnier ou tout simplement les spécificités de l’activité peuvent néanmoins avoir motivé la définition d’un encadrement plus large du temps de travail. C’est par exemple le cas de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants (HCR) qui permet une durée collective de 39 heures hebdomadaires mais aussi 46 heures sur 12 semaines consécutives et fixe une durée maximale journalière différente selon les métiers. Si le personnel administratif hors site d’exploitation reste assujetti à la limite de 10 heures par jour, ce n’est pas le cas des cuisiniers (11 heures), du personnel de salle (11 h 30) ou des réceptionnistes (12 heures).
Le logement, casse-tête du saisonnier
Bien souvent, « faire une saison » signifie quitter sa région, trouver un job et un logement pendant la durée du contrat de travail. L’employeur a la faculté de proposer un logement dans le cadre du contrat de travail, ou de réserver un hébergement pour son salarié. À défaut, le saisonnier devra rechercher un logement par ses propres moyens. Le sujet est plus que jamais d’actualité dans un contexte de forte inflation et salaires insuffisamment attractifs pour compenser des loyers disproportionnés pour le saisonnier. L’accès gratuit aux campings fait d’ailleurs partie des propositions. Dans le cadre du dispositif Action logement (ancien 1 % logement), un employeur peut aussi exercer un droit de réservation sur un logement au bénéfice d’un salarié qu’il embauche pour la saison en contrepartie d’une participation obligatoire. L’hébergement est indépendant du contrat de travail. Un contrat de bail est conclu entre le saisonnier et le propriétaire bailleur du logement réservé.
Lorsqu’un employeur, propriétaire ou locataire d’une habitation, la met à disposition d’un salarié, le logement fait partie du contrat de travail. Il doit alors évaluer un avantage en nature logement et le soumettre au paiement des cotisations de Sécurité sociale. La mise à disposition peut être gratuite ou moyennant une participation du salarié inférieure à la valeur réelle du logement. L’avantage en nature sera inscrit sur le bulletin de paie au niveau du salaire brut pour être soumis à cotisations. Après détermination du salaire net imposable, il sera déduit du salaire net à verser au salarié. La valeur de l’avantage en nature logement est évaluée soit forfaitairement selon la grille établie par l’URSSAF, soit d’après la valeur locative servant à l’établissement de la taxe d’habitation déterminée par l’administration fiscale. En cas de suspension de son contrat de travail, le salarié n’a pas à libérer le logement (arrêt maladie par exemple) mais le logement sera libéré à la fin du contrat de travail. En cas de dégradation, l’employeur ne peut pas retenir le montant des réparations sur les salaires. Il devra établir un état des lieux écrit et contradictoire comme dans le cadre de toute location immobilière, remis à chacune des parties de manière que les éventuelles dégradations ultérieures soient clairement établies.
Lorsque le logement n’est pas un élément du contrat de travail, le saisonnier locataire peut bénéficier d’aides pour le financement du dépôt de garantie de la caution et du loyer. Ainsi le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) géré par le Conseil Général octroie des aides financières aux personnes en difficultés pour le financement du dépôt de garantie, du loyer, ou encore de l’assurance du logement. Les conditions d’attribution sont différentes suivant le département où se situe le logement. Il existe aussi la garantie visale et l’avance loca-pass. Dans ce contexte, le futur locataire peut demander à Action Logement d’être sa caution en se portant garant pour lui avec la garantie Visale. Si le locataire ne parvient pas à payer le loyer ou les charges durant le bail, ou les réparations locatives en fin de bail, Action logement verse les sommes dues au propriétaire (bailleur). Action logement se fait ensuite rembourser par le locataire. L’avance loca-pass est un prêt (sans intérêts, ni frais de dossier) pour aider le futur locataire à verser le dépôt de garantie au propriétaire (bailleur). Ce dispositif concerne avant tout les travailleurs précaires et les moins de 30 ans. Il est également possible sous conditions de mobiliser une des aides personnelles au logement : aide personnalisée au logement (APL), allocation de logement familiale (ALF) ou allocation de logement sociale (ALS) qui visent à diminuer le montant du loyer et se distinguent par leurs conditions d’attribution. Ces aides ne sont pas cumulables et la demande s’effectue auprès de la CAF.
Surveillance médicale des salariés saisonniers
La visite médicale d’embauche est obligatoire pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée au moins égale à 45 jours de travail effectif et affectés à des emplois à risque définis à l’article R. 4624-24 du Code du travail. Toutefois, les salariés saisonniers recrutés pour un emploi équivalent à ceux précédemment occupés sont dispensés de cet examen si aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours des 24 mois précédents. Pour les salariés saisonniers recrutés pour une durée inférieure à 45 jours et ceux qui ne sont pas affectés à des postes à risque, le service de santé au travail organise des actions de formation et de prévention. Ces actions peuvent être communes à plusieurs entreprises.
Le comité social et économique, quand il existe, est consulté sur ces actions (article D.4625-2 du Code du travail). Une analyse par l’intermédiaire du DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) est utile. Car les travailleurs saisonniers sont plus exposés aux risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles du fait de leur précarité, d’un manque d’information, de formation et de connaissances des lieux et des procédés de travaux qu’ils n’effectuent pas toute l’année augmentant ainsi leur vulnérabilité. Les services de médecine du travail organisent des séances de sensibilisation sur les risques et les moyens de les prévenir (port des équipements de protection, initiation aux premiers secours, respect des règles d’hygiène…) souvent sous forme de webinaires. Des mesures de prévention particulières doivent aussi être prises par l’entreprise pour le travail au soleil ou de nuit par exemple.
Des risques à prévenir
Le saisonnier n’est pas souvent un « professionnel » : étudiants ou demandeur d’emploi, leur expérience du métier est parfois inexistante. Les gestes et postures de l’emploi qu’ils vont exercer leur sont inconnus et il n’est pas rare non plus que les plus jeunes ou les plus vaillants n’identifient pas leurs limités et pêchent pas excès de confiance dans leurs capacités à exécuter une tâche difficile ou dangereuse. Le saisonnier, même s’il revient régulièrement dans l’entreprise ou sur le même secteur d’activité, n’en reste pas moins dans la situation du nouvel embauché ce qui constitue un facteur de vulnérabilité. Les horaires atypiques et importants sont une rupture avec un rythme de vie « normal ». Ne pas connaître l’organisation du travail ou les risques d’exposition est source d’accidents, que le travail soit en intérieur ou dans les champs. En extérieur, les risques météorologiques ne doivent pas être négligés : avalanches, chaleur, vagues submersion, orages… Et n’oublions pas que le saisonnier est souvent loin de chez lui, que son logement est rarement confortable, que le rythme de la saison n’est pas synonyme de repos qu’il s’agisse de l’intensité du travail ou de la participation à l’ambiance festive des vacanciers si bien que vigilance et motivation pour sa propre sécurité ne sont pas au niveau maximal. Si l’employeur a des obligations, le salarié doit également prendre soin de lui pour que sa saison soit belle.
Article rédigé par Ronan Darchen, Alinea