
De nouvelles règles pour les demandeurs d’emploi
L’Assurance chômage est régie par une nouvelle convention depuis le 1er janvier. Celle-ci durcit les conditions d’indemnisation, notamment pour les seniors en contrecoup de la réforme des retraites.
In extremis ! Alors que le précédent accord autour des règles régissant l’Assurance chômage prenait fin le 21 décembre 2024, il aura fallu attendre le 20 décembre pour voir publié au Journal officiel un arrêté agréant la convention du 15 novembre 2024 signée par une majorité de syndicats de salariés et d’employeurs.
Officialisé quelques jours seulement avant la date butoir, ce nouveau texte régit donc l’ensemble de la réglementation relative à l’allocation chômage depuis le 1er janvier dernier et ce, jusqu’en 2028. La CFDT, FO, la CFTC, le Medef, la CPME et l’Union des entreprises de proximité (U2P) ont tous paraphé le document. En revanche, la CFE-CGC et la CGT se sont abstenues. La CGT a d’ailleurs dénoncé une « nouvelle convention Assurance chômage particulièrement dangereuse pour les travailleuses et travailleurs fragilisés par le chômage, en premier lieu les précaires et les seniors ».
Nouvelles règles pour les seniors
Effective depuis le 1er janvier dernier, la nouvelle convention n’est toutefois applicable qu’aux demandeurs d’emploi dont la fin de contrat de travail est intervenue depuis cette date ou à ceux dont la procédure de licenciement est engagée à compter de cette même date. Par ailleurs, certaines dispositions de la convention n’entreront en vigueur qu’à partir du 1er avril 2025, « en raison de contraintes opérationnelles », précise l’Unédic. Il en ira ainsi des nouvelles règles pour les seniors.
Parmi celles-ci, il en est une qui décale de deux ans l’âge légal minimum ouvrant l’accès aux dispositions spécifiques d’allocation, destinées aux personnes s’approchant de la fin de leur vie professionnelle.
On pouvait jusque-là prétendre jusqu’à 685 jours d’indemnisation lorsque l’on perdait son emploi entre 53 et 54 ans, contre 548 pour tous les autres demandeurs d’emploi. Cette limite a été repoussée de deux ans. Il faut ainsi avoir fêté ses 55 ou 56 ans pour bénéficier de la mesure. Même chose pour le forfait de 822 jours qui ne sera plus accessible désormais qu’aux personnes âgées de 57 ans ou plus à la date de fin de leur contrat de travail.
Ce décalage de deux années découle directement de la dernière réforme des retraites qui allonge le temps durant lequel les Français restent actifs professionnellement. Et cette même réforme a également reculé l’âge légal permettant de bénéficier de l’allocation jusqu’à la retraite au taux plein. Actuellement fixé à 62 ans, il évolue au même rythme que le report de l’âge légal de la retraite pour atteindre progressivement 64 ans.
Ces différents ajustements devraient permettre à l’Unedic de mettre 350 M € de côté à l’horizon 2028.
Les mesures concernant les seniors ne s’arrêtent pas là. On leur demande ainsi d’attendre 55 ans, plutôt que 53-54 jusque-là, avant de bénéficier d’un allongement de leur durée d’indemnisation lorsqu’ils suivent une formation. Par ailleurs, ce report ne peut excéder 137 jours.
De bonnes & mauvaises nouvelles…
Pour les bonnes nouvelles, il faut plutôt se tourner vers les « hauts revenus » pour lesquels la convention assouplit la dégressivité de l’allocation. Celle-ci ne s’appliquera plus aux demandeurs d’emploi percevant une indemnité journalière de plus de 91,02 € dès lors qu’ils auront soufflé leur 55e bougie. Auparavant, la mesure ne valait qu’à partir de 57 ans.
Une autre règle qui entrera elle-aussi en vigueur le 1er avril 2025 au plus tard, concerne les seniors tout autant que les autres demandeurs d’emploi. Et elle ne fera plaisir à aucun d’entre eux ! Il a ainsi été décidé de mensualiser le paiement de l’allocation chômage « sur une base de 30 jours calendaires, quel que soit le mois », précise l’Unédic. Cette mesure devrait rapporter 1,2 Md € sur quatre ans à l’État en privant les demandeurs d’emplois de cinq à six jours d’indemnisation par an selon les années (bissextiles ou non).
De nouvelles dispositions impacteront encore les saisonniers qui verront baisser, dès le 1er avril prochain, la durée minimale de travail requise pour toucher une indemnité. L’objectif ici est de sécuriser davantage leur situation sur le marché du travail en leur permettant d’ouvrir leurs droits à l’allocation chômage après avoir travaillé cinq mois au cours des vingt-quatre derniers mois, contre six aujourd’hui.
Bien qu’elles apparaissent dans la convention signée par les différents syndicats, deux règles ont été exclues du texte final par le gouvernement. Il était en effet prévu d’instaurer de nouvelles conditions d’ouverture des droits pour les primo demandeurs d’emploi. Alors qu’on avait envisagé de les ouvrir dès cinq mois travaillés au cours de l’année précédente, on restera finalement sur une base minimale de six mois. La raison invoquée pour ce revirement est simple : la modification nécessite de légiférer. Une autre justification pourrait avoir influencé la décision : si elle était appliquée, la mesure concernerait environ 50 000 demandeurs d’emploi par an, et représenterait un coût d’environ 440 M € sur quatre ans pour le régime de l’Assurance chômage.
Un autre sujet a été mis de côté pour des raisons juridiques : le cas des frontaliers. Ces derniers cotisent à l’Assurance chômage du pays où ils sont salariés. Lorsqu’ils perdent leur travail, le pays qui les emploie passe la main à celui dans lequel il réside. En l’occurrence, l’Espagne, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie ou le Luxembourg laissent la France régler la facture. C’est bien le pays de résidence qui verse l’allocation calculée sur la base du salaire perçu à l’étranger. Et, pour ne rien arranger, les pays voisins de la France reversent une part négligeable des cotisations qu’ils ont reçues au régime d’assurance hexagonal. Évidemment, cela ne convient que fort peu à l’Unédic qui voit ainsi s’envoler près de 800 M € par an.
La convention du 14 novembre dernier prévoyait donc de réduire les indemnités des travailleurs frontaliers mais cela étant contraire au droit européen, il faudra attendre que la France négocie avec l’Union européenne pour voir la mesure prendre éventuellement effet.
Bien que toutes les évolutions actées par cette nouvelle réglementation ne soient pas à l’avantage immédiat des demandeurs d’emploi, les syndicats ont paraphé la convention pour différentes raisons, et notamment parce qu’elle leur permet de « reprendre la main sur les règles de l’Assurance chômage », souligne la CFTC. De fait, l’agrément de la nouvelle convention met fin au régime de carence en vigueur depuis juillet 2019, redonnant ainsi aux partenaires sociaux leurs compétences quant à la réglementation de ladite assurance.
Le Medef note lui aussi que « l’issue de cette négociation démontre à nouveau que les partenaires sociaux étaient les mieux à même de s’accorder sur des mesures qui améliorent la performance du régime d’Assurance chômage et innovent pour favoriser l’emploi des seniors ». Le syndicat estime par ailleurs que le texte « préserve la compétitivité des entreprises, améliore l’efficacité du modèle social, tout en accompagnant la mise en œuvre de la réforme des retraites ».
Article rédigé par Sébastien Dieulle