
Le CSE n’a pas redistribué les rôles entre suppléants et titulaires mais a coupé un fil important qui reliait les premiers à la vie de l’instance en leur retirant l’accès aux réunions avec l’employeur. Pourtant, ces élus ont les mêmes missions que les titulaires et sont bien plus que des remplaçants : le CSE est une équipe dont ils sont acteurs et il faut toujours être prêt à entrer en scène !
Autrefois, devons-nous dire désormais, avant de se porter candidat à un siège de titulaire, beaucoup de représentants du personnel connaissaient une première expérience du mandat en tant que suppléant avant de se présenter au poste de titulaire.
L’effet de la réforme du CSE
Être suppléant permettait de découvrir un mandat et de mettre le pied à l’étrier d’un salarié volontaire pour s’impliquer dans le CSE sans être immédiatement en première ligne. Un round d’observation en quelque sorte pour prendre le pouls de l’instance et confirmer ou infirmer l’appétence pour le mandat d’élu. Le mandat de suppléant donnait l’occasion aussi à des élus proches de la retraite ou souhaitant retourner à une vie de salarié plus « classique » de prendre un peu de distance tout en restant présents pour épauler ceux qui prendront leur relais : c’était un moyen d’organiser la passation et de transmettre son expérience du mandat à une équipe renouvelée. C’est encore possible, me direz-vous, mais, concrètement, l’arrivée du CSE a quand même chamboulé ces pratiques en privant les suppléants d’une participation régulière aux réunions du CSE et les conséquences sont réelles.
Bien sûr, les directions ont applaudi l’économie réalisée par la nouvelle règle et assez majoritairement ont refusé de négocier alors qu’il est possible de réintégrer conventionnellement la participation de tout ou partie des suppléants aux réunions du CSE. Parmi les arguments plus audibles, des présidents de CSE font observer qu’un maintien des suppléants conduit à trop de monde en séance et peut nuire à la qualité des échanges. C’est aussi oublier que le CSE est un collectif.
Réservistes ou pleinement actifs ?
Les plus pessimistes vous demanderont comment s’imprégner du dialogue social sans vivre les réunions ? Comment s’investir sans moyen en temps et finalement comment se sentir réellement membre du CSE ? Pour les organisations syndicales, comment dénicher les talents sans observer un suppléant en réunion ou le confronter aux situations vécues par les salariés ? La distribution des rôles, au-delà du remplacement des titulaires absents par les suppléants, organisé légalement, et l’implication des suppléants méritent d’être le fruit d’une réflexion collective et formalisée par votre pratique du mandat : un accord de fonctionnement et de moyens du CSE, sinon votre règlement intérieur peut définir ce cadre.
Réserver une vraie place aux suppléants évitera qu’ils ne deviennent des « fantômes » du CSE risquant d’en faire des « décrocheurs » du CSE. Si vous n’avez pas pu conclure un accord lors de la mise en place du CSE, le renouvellement de l’instance est une occasion de s’appuyer sur l’expérience du premier mandat. Il n’est jamais trop tard pour avancer et, si la voie de la négociation avec l’employeur est fermée, il reste possible d’organiser vous-même un partage de moyens et missions pour impliquer les suppléants.
Formations : La session SSCT est ouverte aux suppléants
Le législateur n’a pas jugé bon d’ouvrir le droit à la formation économique aux suppléants ; ce qui est bien dommage. Heureusement, des pratiques d’entreprise sont plus ouvertes. Pourtant, la formation est nécessaire pour tous d’autant que le suppléant est amené à « rentrer sur le terrain » à chaque instant. La formation SSCT est, en revanche, ouverte à tout élu du CSE, titulaire comme suppléant ; ce qui leur assure l’acquisition des connaissances de bases pour le volet SSCT et potentiellement un bon vernis sur le cadre général du CSE. Former tous les élus ensemble facilite le partage d’expérience.
Titulaire, suppléant, qui fait quoi ?
Le rôle des suppléants peut être mis en perspective avec celui des titulaires puisqu’ils ont légalement vocation à suppléer en cas d’absence d’un titulaire mais les deux sont élus et des interlocuteurs naturels des salariés pour faire remonter les problèmes de terrain, les préoccupations, les besoins sociaux… De la même façon, ils ont accès aux informations sur l’entreprise (BDESE, document d’information sur les projets de l’entreprise lors d’un processus consultatif).
Titulaires comme suppléants peuvent faire partie des commissions du CSE et, à ce titre, être réunis avec ou sans l’employeur, mener des enquêtes, suite à un accident du travail. Enfin, il n’est écrit nulle part qu’ils ne peuvent pas participer aux séances préparatoires du CSE, y exprimer leurs points de vue dans tous les domaines d’action du CSE et être force de propositions.
D’ailleurs, les suppléants remplacent les titulaires en cas d’absence, temporaire ou définitive, et dans ces circonstances ils deviennent titulaires quelques heures ou durablement. Quelle différence avec les titulaires ? Ces derniers, au-delà de participer aux réunions mensuelles ou bimestrielles du CSE, votent les décisions et les résolutions, désignent les commissions, provoquent les réunions extraordinaires et occupent les rôles de secrétaire et trésorier. Néanmoins, même s’ils ne participent pas aux réunions du CSE, les suppléants doivent être destinataires de l’ordre du jour. À défaut, l’employeur commet un délit d’entrave. Les suppléants peuvent donc suivre les débats du CSE de la même façon que n’importe quel salarié via le procès-verbal approuvé, mais le secrétaire peut aussi leur adresser le projet avant son adoption : tous les CSE n’y pensent pas alors que cela permet de rester connecté, notamment si le suppléant a participé à la réunion préparatoire.
Règles de remplacement : Lesquelles pour le CSE Central ?
Au CSE Central, il n’apparaît pas logique d’appliquer les règles de remplacement de l’article L.2314-37 du Code du travail mais plutôt de prioriser l’appartenance à l’établissement pour le suppléant amené à remplacer un titulaire absent quand cela est possible. Toutefois, aucune règle légale n’existe spécifiquement et c’est un sujet à prévoir le cas échéant dans les accords constitutifs du comité central simultanément à la définition des sièges par établissement pour éviter toute contestation ou bien dans un accord spécifique, voire dans le règlement intérieur du CSE Central.
Mutualiser les heures de délégation
Maigres contreparties lors du passage au CSE, le report et la mutualisation des heures de délégation sont néanmoins bien utiles et méritent d’être mis au profit des suppléants puisque la loi n’a pas prévu les mêmes moyens pour les titulaires et les suppléants alors même que le suppléant peut se retrouver propulsé titulaire à tout moment. Ainsi, lors du groupement des anciennes instances, le législateur a adopté une approche moins cloisonnée des heures de délégation ce qui ouvre des voies pour les suppléants.
Le décret sur les heures de délégation en fonction de l’effectif est présenté en indiquant à la fois le crédit d’heures attribué à chaque titulaire chaque mois mais plus globalement à l’instance élue (article R.2314-1 du Code du travail) et les élus peuvent dorénavant à la fois mutualiser leurs moyens en temps mais aussi optimiser leur usage avec le mécanisme de report des heures mensuelles non utilisées (articles R.2315-5 et 6).
Quel suppléant pour quel titulaire ?
Il est important d’identifier qui remplace qui pour plusieurs raisons. D’abord, pour que le suppléant qui se substitue au titulaire ne le fasse pas à tort et ensuite se voit reprocher d’avoir pris des heures alors qu’il n’en bénéficie pas. Ensuite, pour que l’employeur sache qui convoquer pour la prochaine plénière : le risque d’invalider des réunions ou des votes si ce ne sont pas les « bons » suppléants qui ont été convoqués est réel. Enfin, des enjeux existent aussi sur le « sens » des votes du CSE : à une ou deux voix près, le vote sera différent.
L’article L.2314-37 du Code du travail fixe les règles de remplacement des titulaires par les suppléants pour les CSE : ces règles s’appliquent tout autant pour un remplacement ponctuel que pour un remplacement définitif (jusqu’à la fin du mandat) d’un titulaire ayant par exemple quitté l’entreprise ou démissionné de son mandat. Même s’il n’est pas étiqueté comme tel par l’ordonnance, l’article L.2314-37 est une disposition d’ordre public à laquelle on ne peut déroger par accord. Impossible donc de prévoir d’autres règles ou de l’aménager. À savoir de s’en affranchir pour permettre aux titulaires de choisir « leurs remplaçants » !
Les règles de remplacement organisent ainsi des priorités pour déterminer qui remplace un titulaire absent. Ce sont en quelque sorte des rangs et chaque titulaire aura en réalité un premier suppléant, un deuxième, un troisième et ainsi de suite. L’objectif de la loi est de limiter les sièges de titulaires vacants et de permettre au CSE un bon fonctionnement. Ces rangs sont déterminés selon des critères stricts : appartenance syndicale, catégorie professionnelle, collège, nombre de voix obtenues, âge voire positionnement sur la liste présentée aux élections.
L’appartenance syndicale est le premier critère ; ainsi un titulaire d’un syndicat donné devra prioritairement être remplacé par un suppléant de même appartenance syndicale. Ce n’est que dans un second temps que la catégorie professionnelle et le collège joueront. Par appartenance syndicale, la loi entend, ici, l’élu de la liste des dernières élections. Il peut arriver qu’un salarié se présente sur une liste syndicale sans être adhérent du syndicat ou en change en cours de mandat. Mais ce qui compte, c’est la liste sur laquelle il s’est présenté.
S’il n’existe pas (ou plus) de suppléant élu présenté par le même syndicat, alors la loi prévoit de trouver prioritairement le remplaçant parmi les candidats non élus présentés par l’organisation syndicale (OS) avant d’aller chercher d’autres élus suppléants. Cette règle ne va pas sans poser problème. D’ailleurs, le candidat malheureux ayant pu faire son deuil du CSE et surtout n’est plus un salarié protégé six mois après le scrutin.
Quand il n’y a pas ou plus de suppléants présentés par le même syndicat que le titulaire absent, la loi indique d’aller chercher le remplaçant parmi les suppléants élus présentés par les autres OS. Dans cette situation, le remplacement s’effectue dans la limite de la catégorie du titulaire à remplacer. Et on n’ira pas rechercher des candidats non élus présentés par d’autres syndicats.
Lorsque plusieurs suppléants élus remplissent les conditions pour remplacer un titulaire, on sélectionne, après la catégorie et le collège, à partir du nombre de voix obtenues lors de l’élection. Si plusieurs élus suppléants ont le même nombre de voix, le départage se fait à l’âge avec une priorité au plus âgé. Attention ! Pour les candidats non élus, c’est l’ordre de la liste qui compte et non pas les voix ou l’âge. Et priorité aux candidats présentés en titulaire puis à ceux présentés en suppléants ! Vous y êtes ? N’hésitez à vous doter d’un tableau de remplacements pour ne pas refaire les calculs à chaque réunion.
À noter : Référence : article L.2314-37 du Code du travail
Lorsqu’un délégué titulaire cesse ses fonctions pour l’une des causes indiquées à la présente section ou est momentanément absent pour une cause quelconque, il est remplacé par un suppléant élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale que celle de ce titulaire. La priorité est donnée au suppléant élu de la même catégorie. S’il n’existe pas de suppléant élu sur une liste présentée par l’organisation syndicale qui a mis en avant le titulaire, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par la même organisation. Dans ce cas, le candidat retenu est celui qui vient sur la liste immédiatement après le dernier élu titulaire ou, à défaut, le dernier élu suppléant. À défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n’appartenant pas à l’organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix. Le suppléant devient titulaire jusqu’au retour de celui qu’il remplace ou jusqu’au renouvellement de l’institution.
Article rédigé par Inès El Aouni, juriste Alinea et Ronan Darchen, cofondateur Alinea
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