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Bientôt les vacances ? À l’approche de l’été, faisons-le point sur les congés payés pour permettre aux représentants du personnel de renseigner au mieux les salariés. Les salariés des entreprises de droit privé, des établissements industriels et commerciaux, les professions agricoles bénéficient du droit aux congés payés régi par le code du Travail. D’accord, mais comment ça marche ?
Par Ronan Darchen, cabinet Alinea
Le droit aux congés payés est d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut se négocier qu’en prévoyant des dispositions plus favorables aux salariés que les règles légales. Les CDI, CDD, CTT (travail temporaire) et les salariés employés dans les milieux protégés ont droit aux congés payés. Seuls les stagiaires sont exclus de la règlementation des congés payés mais il n’est pas interdit de prévoir congés ou absences autorisées dans leurs conventions. La loi organise aussi des modalités spécifiques pour certaines populations (gardiens d’immeuble, journalistes pigistes, travailleurs à domicile / agricoles, VRP) alors que pour certaines professions au rythme discontinu (BTP, manutention des ports et docks, spectacle…), des caisses de congés payés existent pour conserver un droit même en cas de résiliation du contrat. Globalement, tout employeur à l’obligation de mettre ses salariés en mesure de poser leurs congés sinon il risque une amende. Il peut même être contraint d’indemniser le salarié du préjudice subi. Parallèlement il est interdit au salarié de renoncer à ses congés payés contre une indemnité même si des mécanismes d’épargne (compte épargne temps) ou encore la rupture du contrat peut aboutir à ce résultat pour des congés non pris.
Légalement un salarié acquiert 2,5 jours ouvrables de congés payés par mois de travail effectif chez le même employeur. Pour une année complète de travail, le droit à repos annuel représente donc 30 jours ouvrables soit 5 semaines de congés. Les jours ouvrables sont les jours de la semaine à l’exception du repos hebdomadaire (du lundi au samedi donc et même si le samedi n’est habituellement pas travaillé dans l’entreprise). La loi raisonne en jours ouvrables mais les entreprises qui font travailler leurs salariés sur 5 jours peuvent choisir de raisonner en jours ouvrés c’est-à-dire uniquement sur les jours d’ouverture de l’entreprise (5 semaines font 25 jours ouvrés avec dès lors un rythme d’acquisition de 2,08 jours ouvrés de congés par mois de travail) et l’option « jours ouvrés » n’est possible que si le salarié n’est pas défavorisé.
Même lorsque les salariés à temps partiel ont une durée du travail répartie sur moins de cinq jours dans la semaine, ils acquièrent des droits selon les mêmes modalités qu’un salarié à temps plein. Quand ces salariés poseront une semaine de congés payés, il leur sera déduit six jours ouvrables même si habituellement ils ne travaillent que deux jours par semaine. Notez enfin qu’un salarié qui a plusieurs employeurs acquiert des congés au titre de chacun de ses emplois.
Une période légale d’acquisition
La loi fixe la période de référence pour l’acquisition des CP sur la période du 1er juin de l’année N jusqu’au 31 mai de l’année suivante N+1. Dans les professions où les employeurs doivent s’affilier à une caisse de congés payés la période de référence débute au 1er avril. Il est possible par accord de fixer une autre période de référence d’un an que celle prévue par la loi pour l’acquisition des congés. Les entreprises peuvent, par exemple, opter pour l’année civile dans l’objectif de caler la période d’acquisition des congés payés avec l’annualisation du temps de travail et l’acquisition de jours de réduction du temps de travail (RTT) ou jours de repos.
Les salariés commencent à acquérir des congés dès leur embauche et ce, jusqu’à la fin de la période de référence. Au 1er juin suivant s’ouvre une nouvelle période de référence pour l’acquisition des CP au titre de l’année suivante. Quand le nombre de congés acquis à la clôture de la période de référence n’est pas un nombre entier, ce nombre est arrondi à l’entier supérieur. Les bulletins de paye comportent des compteurs matérialisant 2 périodes de référence indiquant pour chacune d’elle le nombre de congés acquis et pris, réactualisé chaque mois. Chaque prise de congés est débitée sur le compteur le plus ancien. La plupart du temps les salariés prennent les congés payés acquis pendant une période de référence sur la période suivante mais il n’est pas interdit de les prendre plus tôt dès lors qu’ils sont acquis.
La loi a instauré une règle d’équivalence pour les situations où le salarié a été occupé pendant une année complète sans pour autant pouvoir justifier un nombre de mois entiers. Sont ainsi assimilés à 1 mois de travail effectif 4 semaines de travail ou 20 jours de travail effectif si l’horaire de travail est réparti sur 5 jours par semaine. Certaines absences sont aussi assimilées par la loi à du travail effectif tandis que les absences non assimilées à du travail effectif pour l’acquisition peuvent donc amputer les congés acquis mais de manière strictement proportionnelle à l’absence constatée. La Cour de cassation applique au surplus la règle de l’équivalence pour apprécier les droits acquis. Les conventions collectives ou les accords peuvent aussi être plus favorables que la loi s’agissant des absences assimilées à du temps de travail effectif pour l’acquisition des jours de congé.
Les congés réduits par des absences
L’article L 3141-5 du Code du travail et quelques textes épars listent donc les absences assimilées à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés. Cette liste étant limitative ; toutes les autres absences (comme la maladie « classique ») ne font par conséquent pas acquérir de jours ce qui peut conduire à contrevenir au minimum prévu par la directive européenne de 2003. En effet, l’article 7 de la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 prévoit que tout travailleur bénéficie d’un congé d’au moins quatre semaines pour une période de référence complète y compris quand il y a des absences de toutes sortes sur la période d’acquisition. La Cour de justice de l’Union européenne applique ce minimum garanti ; y compris en cas d’absence longue pour maladie non professionnelle.
Un contentieux porté par un salarié dont la longue maladie avait conduit à réduire le droit à congés et qui invoquait la directive est arrivé devant la Cour de cassation en 2013. Mais la Cour a refusé de donner un effet direct à la directive lequel aurait obligé tous les employeurs à respecter ce minimum de quatre semaines. Pour la Cour, il faudrait que le droit interne soit modifié pour créer des obligations directes et cela n’a pas été fait par la loi El Khomri en 2016 quand cette partie du Code a été réécrite. Ce n’est pas plus à l’ordre du jour aujourd’hui si bien que l’absence de transposition de la directive permet aux salariés de faire valoir un manquement de l’État. C’est ce qui s’est passé en 2016 ; le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné l’État à indemniser un salarié pour lequel 5 mois d’absence n’avaient pas été comptabilisés pour apprécier son droit à congés payés compte tenu de l’absence de transposition de la Directive. Le tribunal plafonne toutefois l’indemnisation à quatre semaines de congés payés.
Autre situation : l’article L 3141-5 5° du Code du travail indique que sont assimilées à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés « les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ». La formulation de ce texte avait dans un premier temps conduit la jurisprudence à considérer que la rechute d’un accident du travail impliquant d’abord une interruption de l’absence initiale ne permettait plus d’acquérir des congés même si l’arrêt initial et l’arrêt de rechute étaient ensemble inférieurs à 1 an. Depuis 2001 toutefois, un revirement a été opéré supprimant le caractère ininterrompu de la durée de l’arrêt consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Par conséquent, la rechute d’un AT peut générer des droits à congés tant que la durée de l’arrêt initial additionnée à celle de l’arrêt de rechute n’a pas atteint un an.
Congés supplémentaires
Les situations personnelles, les conventions et accords, ou encore les modalités selon lesquelles sont pris les congés peuvent conduire à bénéficier de congés payés supplémentaires. Ainsi, les salariés de moins de 21 ans au 30 avril de l’année précédente ont droit à 2 jours additionnels par enfant, un seul jour si le droit acquis est inférieur à 6 jours. Ceux de plus de 21 ans ont également droit à 2 jours additionnels par enfant à charge sans que le nombre total de jours de congés ne puisse excéder 30 jours : la règle s’applique donc aux salariés n’ayant pas un droit plein. Il arrive également que des conventions collectives prévoient des jours supplémentaires notamment en raison de l’ancienneté ou bien pour une population déterminée par ex en raison de ses conditions de travail. Bien que conventionnels ces jours étant des congés payés, ils ont le même régime juridique à ne pas confondre bien sûr avec les jours de RTT et de repos !
Congé principal et 5e semaine
Les CP se décomposent entre le congé principal (4 semaines) et la 5e semaine. Le congé principal est en principe à prendre pendant la période du 1er mai au 31 octobre. Mais la loi autorise à fractionner ce congé avec l’accord du salarié pour en prendre une partie (maximum 2 semaines sur 4) en dehors de cette période. Ce fractionnement peut conduire (notamment quand il a lieu à la demande de l’entreprise) à générer des jours de congé supplémentaires de fractionnement.
Légalement, le congé principal est au minimum de 12 jours et au maximum de 28 jours dont 12 jours consécutifs. Quand le salarié prend une partie de son congé principal en dehors de cette période, on dit qu’il fractionne son congé. L’entreprise peut fixer des règles collectives de prise du congé principal plus précises et ciblées que la loi pour organiser son activité (par exemple, 3 semaines sur juillet-août) dont les salariés sont informés en amont et des arbitrages sont fait si les dates souhaitées par les salariés ne collent pas avec les impératifs organisationnels. L’entreprise peut décider une fermeture annuelle qui contraindra les dates sur une ou plusieurs semaines du congé principal.
La 5ème semaine est obligatoirement prise de manière dissociée du congé principal (sur la période novembre à avril N+1 donc). Une fermeture annuelle peut aussi avoir lieu sur décision de l’employeur pour imposer la 5ème semaine (même si l’entreprise est déjà fermée sur tout ou partie du congé principal). Lorsque l’entreprise ne ferme pas, les congés sont pris par roulement. Les salariés se succèdent pour prendre leurs congés sans fermeture de l’entreprise et des règles collectives sont à respecter par les salariés quand ils exprimeront leurs souhaits pour ne pas s’exposer à un refus : permanence minimale, semaine ou période interdite pour certains postes… Si les souhaits individuels collent avec les besoins de l’entreprise alors les congés seront validés. Si les souhaits sont sur les mêmes dates ou ne permettent pas un bon fonctionnement de l’entreprise, des arbitrages devront être faits entre les salariés : l’ordre des départs est arrêté après consultation du CSE et la loi fixe des critères devant être pris en compte (situation familiale, possibilité de congé du conjoint, droit à un congé simultané quand les 2 conjoints travaillent dans la même entreprise, activité chez un autre employeur, ancienneté). Notez aussi que l’article L 3141-7 du Code du travail autorise des dérogations à la dissociation de la 5ème semaine notamment pour les salariés qui justifient de contraintes géographiques ou pour ceux ayant un adulte ou enfant handicapé au foyer ou une personne en perte d’autonomie. Une fois les dates arrêtées le salarié est tenu de s’y conformer.
Les CP supplémentaires pour fractionnement sont dus que le fractionnement soit à l’initiative du salarié ou de l’employeur. Néanmoins, ce dernier peut accorder les souhaits de congés fractionnés du salarié sous réserve qu’il renonce expressément et individuellement aux congés supplémentaires. La renonciation doit être expresse et écrite. Seules certaines proportions de fractionnement ouvrent droit à des congés supplémentaires pour fractionnement : si le reliquat du congé principal pris en dehors de la période principale est supérieur à 6 jours, deux jours additionnels sont accordés et si le reliquat est compris entre 3 et 5 jours, ce sera un jour. En deçà de 3 jours, il n’y a pas de jour supplémentaire.
Enfin, les congés non pris à la fin de la période sont perdus ; mais c’est un droit à repos annuel que l’employeur doit organiser pour que la prise soit effective dans ce délai. Sinon le salarié peut réclamer des dommages et intérêts. Cela signifie notamment que de son propre chef, le salarié ne peut pas y renoncer contre une indemnité de remplacement ni travailler pendant ses vacances. Il est en revanche possible dans certaines circonstances (maternité, absence liée à un accident du travail) de reporter des congés non pris sur la période suivante, d’épargner dans un CET sa 5e semaine ou des congés conventionnels supplémentaires ou encore de faire don de congés non pris (limité là aussi à la 5e semaine) au profit d’un collègue (proche aidant notamment). Vous voilà parés pour cet été. Bon congé principal !