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Quatre ans après les ordonnances réformant le Code du travail, le bilan -provisoire – réalisé à la demande du gouvernement – s’inquiète de la réforme des institutions du personnel…
Création du comité social et économique (CSE), primauté de la négociation d’entreprise sur celle de branche, nouvelles modalités de conclusion d’accords dans les petites entreprises, règles de licenciement et barème : « Les ordonnances réformant le Code du travail de septembre 2017 avaient pour ambition de renouveler le dialogue social dans les entreprises », peut-on lire sur le site du gouvernement. Quel bilan peut-on dresser quatre ans plus tard ?
Pour tirer cela au clair, l’exécutif a commandé un rapport d’étape au comité d’évaluation des ordonnances Travail, dirigé par Jean-François Pilliard, ancien vice-président du Medef et par l’ancien responsable CFDT Marcel Grignard.
Publié en décembre 2021, ce bilan porte « un regard nuancé sur une mise en œuvre des ordonnances dans un paysage complexe ». S’il trop tôt pour tirer des conclusions sur « des mesures dont les effets sont attendus, pour beaucoup, sur le moyen ou long terme », il transparaît à sa lecture une note d’inquiétude concernant la réforme des institutions du personnel.
CSE : Une nouvelle articulation difficile à trouver
Concernant la substitution des comités sociaux et économiques aux anciens CE, CHSCT et délégués du personnel, l’objectif du gouvernement était de simplifier le dialogue social dans les entreprises. Les membres du comité d’évaluation soulignent que l’élargissement des sujets à aborder constituent un élément de fragilisation de l’engagement des élus. Ces derniers se retrouvent en effet confrontés à plusieurs difficultés : une surcharge de travail de représentation, des difficultés de conciliation avec l’activité professionnelle et surtout un manque d’expertise sur l’ensemble des sujets. « Le rapport met en avant l’épuisement et le découragement de nombre d’élus. Certains se mettent en retrait de leur mandat, d’autres démissionnent », reconnaît le gouvernement. Autre sujet de préoccupation, le manque de proximité avec les élus, dû en partie à cette centralisation. « L’effacement de la représentation de proximité́ apparaît comme une crainte récurrente, insistent les membres du comité d’évaluation. Sur les questions de santé, sécurité́ et condition de travail, le traitement de ces sujets n’est pas encore stabilisé et la nouvelle articulation entre CSCCT et CSE reste difficile à trouver. »
Accords de branche à la peine
Cependant, l’objectif de renforcer le dialogue social dans les entreprises a été atteint et ce, malgré la crise de la Covid. Neuf mille accords ont été conclus en 2020 par des élus du CSE ou des salariés mandatés, auxquels s’ajoutent 5 000 référendums ratifiés aux deux tiers, avec une forte thématique sur le temps de travail.
À l’inverse, les négociations de branche ont été freinées. Plutôt à cause de la pandémie, peut-on lire dans le rapport selon lequel « les branches se sont peu saisies des dispositions nouvelles et spécifiques créées par les ordonnances et notamment celles visant à adapter leur négociation à la situation spécifique des PME. » La difficulté à distinguer les thèmes relevant exclusivement de la branche et les autres, pose des difficultés d’interprétation, explique le gouvernement dans un communiqué. Un point de faiblesse que le ministère du Travail s’est engagé à améliorer en travaillant avec les branches sur ce sujet.
Barème aux prud’hommes
Par ailleurs, 880 accords de performance collective – qui permettent de modifier le temps de travail, la rémunération, la mobilité géographique et professionnelle – ont été recensés (à 70 % dans des entreprises de moins de 250 salariés). « Durant la crise, les accords de performance collective (APC) ont donc pu constituer dans certaines entreprises un outil de gestion de la crise ou de sortie de crise qui venait utilement compléter d’autres dispositifs existants », précise le rapport.
Les structures sont également passées par les ruptures conventionnelles collectives de manière plus forte durant la crise et le comité d’évaluation constate « un fort mimétisme avec les formulations usuelles des PSE ou plans de départs volontaires ».
Enfin, au sujet du très controversé « barème Macron », encadrant les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est « majoritairement appliqué par les juges », ayant « un effet maximal à la baisse sur le montant des indemnités pour les salariés ayant entre 2 ans et 5 ans d’ancienneté ». Les auteurs du rapport relèvent aussi une baisse des recours devant les conseils de prud’hommes, notant que celle-ci était entamée bien avant les ordonnances.
ENCADRÉ
LE POINT DE VUE SYNDICAL
Ordonnances Macron : « La cible a été ratée »
Nombre d’heures de délégations trop faible, réunions fleuves des CSE, élus insuffisamment formés pour traiter à la fois les questions économiques, sociales, de santé au travail, ou d’environnement… Laurent Berger, leader de la CFDT, a tiré à boulets rouges sur les ordonnances Macron. « Les ordonnances devaient être le grand chantier de la rénovation du dialogue social. La cible a été ratée », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse le 7 janvier dernier. La CFDT propose plusieurs pistes d’améliorations, parmi lesquelles une hausse du nombre d’heures de délégation, la possibilité pour les suppléants d’assister aux réunions du CSE, la mise en place obligatoire de représentants de proximité, la possibilité pour les syndicats de communiquer via les e-mails professionnels des salariés.
Article rédigé par Constance de Cambiaire