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Historiquement, la profession d’avocat était exclusivement judiciaire. L’avocat assistait ou représentait les justiciables devant les tribunaux et se limitait à cette fonction. Cette origine judiciaire de la profession conduit encore, en dépit des évolutions majeures intervenues depuis les années 1990, certains comités sociaux et économiques (CSE) à considérer qu’ils n’ont besoin d’un avocat que lorsqu’ils envisagent de saisir la justice ou lorsqu’ils sont attraits devant les tribunaux.
Par Emmanuel Gayat, avocat associé spécialisé en droit social chez JDS avocat
Pourtant, la profession d’avocat a intégré les missions de conseil juridique dévolues à d’autres professions depuis la loi du 31 décembre 1990, entrée en vigueur en 1992. Depuis lors, les membres de la nouvelle profession « exercent l’ensemble des fonctions antérieurement dévolues aux professions d’avocat et de conseil juridique ». L’activité de conseil juridique auprès des CSE qui aurait dû naturellement être exercée par les avocats depuis cette date, est encore assurée de façon régulière par de nombreuses autres professions et en particulier des experts-comptables ou des assureurs.
L’évolution du droit social depuis une dizaine d’années a réduit considérablement les actions judiciaires que menaient habituellement les comités d’entreprise et depuis 2017, les CSE, mais a rendu plus complexe le régime juridique du fonctionnement de l’instance.
Ces deux phénomènes ont renforcé l’importance du rôle de conseil de l’avocat.
En effet, le droit du travail est marqué, depuis l’enchaînement des lois du 14 juin 2013 relative « à la sécurisation de l’emploi », du 17 août 2015 relative « au dialogue social » et du 8 août 2016 relative « au travail, à la modernisation du dialogue social et la sécurisation des parcours professionnels » et des ordonnances du 27 septembre 2017 en particulier celle concernant « la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail » par une déjudiciarisation très importante des rapports de travail.
Ce mouvement qui a d’abord touché les rapports individuels de travail s’est également traduit par une restriction très importante du droit d’action en justice des instances de représentation du personnel et en particulier des CSE du fait, notamment du transfert du contrôle des plans de suppressions d’emplois vers l’administration interdisant tout recours détaché de l’action en contestation de la décision administrative de validation ou d’homologation ; du caractère réduit du contrôle du juge administratif sur ces plans de suppressions d’emplois ; de l’instauration de délais de forclusion très courts pour les actions en justice des comités sociaux et économiques (action portant sur une procédure d’information et de consultation devant être engagée avant le délai préfix de remise d’avis) ; de la création de procédure spécifique privant les instances représentatives de certaines voies de recours et en particulier le droit d’appel.
Ces lois se sont de surcroît inscrites dans un cadre plus général tendant à restreindre l’accès au juge à l’ensemble des justiciables. Les réformes récentes des règles de procédure qui ne sont motivées que par le dénuement des juridictions et la volonté de réduire l’accès à ce service public, tendent également à réduire cet accès.
Dans ce contexte, l’accompagnement au quotidien des membres du CSE par un avocat dans l’exercice de leurs mandats devient particulièrement nécessaire.
Un accompagnement partenarial
Au côté de l’activité traditionnelle de représentation en justice, les avocats des CSE ont donc développé une expertise particulière dans le conseil des élus tant dans le cadre de l’exercice de leurs prérogatives de représentation du personnel que dans la gestion des comités et des activités sociales et culturelles.
Les projets des employeurs soumis au CSE, peuvent ainsi faire l’objet d’une analyse juridique de l’avocat préalable à la remise d’avis. C’est au stade du déroulé de la procédure d’information et de consultation que l’intervention de l’avocat peut être utile pour que les projets évoluent en considération des prises de position et des revendications des élus. L’avocat peut également assister le CSE lors des procédures d’information et de consultation récurrentes afin de s’assurer que les élus disposent de l’ensemble des informations utiles, puissent exercer effectivement leur droit de recourir une expertise et rendent des avis éclairés. L’avocat peut en outre aider le CSE dans le cadre des différentes missions d’enquêtes et d’alertes qui lui sont dévolues par la loi. Enfin, l’avocat peut assister le CSE auprès de l’administration qui dispose désormais de nombreux pouvoirs dans le cadre des restructurations d’entreprises et dans le cadre de la mise en place et du renouvellement des instances.
Les CSE ont d’autant plus besoin d’une intervention en amont de l’avocat pour organiser l’exercice de leurs prérogatives que les recours juridictionnels sont limités et encadrés dans des délais très stricts.
Le recours à l’avocat est particulièrement utile pour la détermination d’une stratégie dès le début des processus dont le CSE est l’acteur (information/consultation, enquêtes ou alertes internes, intervention auprès de l’administration) et dans la rédaction des différentes délibérations, déclarations et courriers permettant un exercice efficace par le comité de ses prérogatives.
Les résultats obtenus, particulièrement dans le cadre des réorganisations, sont tout à fait comparables à ceux qui résultaient de l’exercice des actions judiciaires avant les réformes.
Une expertise « couteau suisse »
Par ailleurs, ces évolutions législatives ont également eu pour effet d’augmenter les besoins de conseils juridiques des comités pour leur fonctionnement et leurs activités sociales et culturelles.
Ces lois ont en effet rendu plus complexe que précédemment le fonctionnement des instances, soumises à de nouvelles obligations, notamment comptables, et ont par ailleurs laissé à la négociation au sein de chaque entreprise des options de structuration de la représentation du personnel (accords de mise en place et de fonctionnement, règlements intérieurs etc.)
Les CSE ont désormais besoin d’avocats dans leur structuration interne, dans la gestion de leur patrimoine et dans leur rapport avec les bénéficiaires des activités sociales et culturelles.
L’intervention de l’avocat du CSE peut donc porter sur de nouveaux domaines et par exemple : la rédaction de règlement intérieur ; la gestion des salariés du CSE ; la relecture des contrats passés par le CSE ; le respect des obligations comptables ; le respect des obligations en matière de gestion des données personnelles des salariés.
Afin d’exercer pleinement leurs missions, les comités ne doivent donc pas hésiter à solliciter les cabinets d’avocats spécialisés pour se faire accompagner, en complément de l’assistance dont ils peuvent bénéficier de la part des experts économiques, sociaux et en santé au travail.