© iStock.
Si le congé maternité existe depuis le début du XXe siècle, la place du père dans les congés parentaux en général, et dans le congé paternité plus spécifiquement, ne suit qu’une lente évolution. Il semble peut-être naturel à tous aujourd’hui mais il fête seulement ses 20 ans.
Il s’avère néanmoins indispensable pour avancer vers l’égalité professionnelle et l’articulation avec la vie privée et nécessaire aux heureux papas.
Un droit encore bien jeune…
C’est seulement depuis 2002 que les pères ont légalement le droit de passer plus de temps auprès de leurs nouveau-nés : le congé paternité de 14 jours a en effet été instauré il y a tout juste 20 ans. Ainsi, il a fallu attendre le début du XXIe siècle pour que la France mette en place le congé de paternité pour les nouveaux pères qui ne bénéficiaient jusque-là, depuis 1946, que de trois jours de congés à la naissance de leur enfant. Créé sous le gouvernement Lionel Jospin, ce droit porté par Ségolène Royal, à l’époque ministre déléguée à la Famille, est entré en application le 1er janvier 2002. Le congé de paternité est accordé au père légal, après la naissance ou l’adoption, en plus des trois jours légaux de congé de naissance. Ce congé doit être pris dans les quatre mois suivant la naissance.
Il est accordé à tous les pères qui accueillent un nouveau-né. Mais, jusqu’à présent, ce congé n’est pas obligatoire ; ce qui peut constituer encore un frein pour certains pères inquiets de la réaction de l’employeur s’ils expriment ce choix. Heureusement, les mentalités progressent sous l’impulsion des jeunes générations pour le partage des responsabilités parentales. En 2002, une durée de onze jours calendaires (intégrant week-ends et jours fériés) et de 18 jours calendaires lors de la naissance de plusieurs enfants a été fixée par la loi. Les 11 jours ne doivent pas être fractionnés. Des accords d’entreprises ont parfois défini des durées un peu supérieures mais ils restent rares. La thématique peut aujourd’hui tout à fait trouver sa place dans vos accords « Qualité de Vie au Travail » ou spécifiques sur l’articulation des vies professionnelle et privée.
… mais qui progresse un peu
Un décret récent (décret n° 2021-574 du 10 mai 2021) est venu enfin compléter la réforme du congé paternité dont l’allongement avait été acté en 2020. Ce décret relatif à l’allongement et à l’obligation de prise d’une partie du congé de paternité et d’accueil de l’enfant a été pris en application de l’article 73 de la loi du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021. Cette loi a ainsi modifié la durée du congé de paternité dans les conditions définies par l’article L 1225-35 du code du Travail.
Ainsi donc, la durée légale du congé paternité a été allongée depuis le 1er juillet 2021, passant de 14 à 28 jours (pour une grossesse simple). Aux trois jours de congé de naissance pris en charge par l’employeur s’ajoutent dorénavant, 25 jours indemnisés par la Sécurité Sociale.
Le gouvernement a annoncé plusieurs objectifs avec cet allongement du congé paternité (voir notre encadré).
Il s’agit certes d’une amélioration mais que nombreux considèrent comme timide. En effet, il faut admettre que cela fait longtemps que la France n’est pas à la page sur le sujet. Avec cette avancée, il est ici également question de combler le retard de la France par rapport à ses voisins européens.
La France dans le peloton de tête en Europe ?
« Cette réforme va permettre à la France de passer d’une position médiane en Europe au peloton des pays de tête », annonçait l’Élysée, lors de l’adoption de la mesure. Le congé paternité est en effet reconnu au sein d’une grande majorité des pays européens (23 sur 27), même s’il existe de fortes disparités et que celui-ci est parfois confondu dans les législations nationales avec le congé parental. D’autres pays ne font pas la distinction et ne proposent pas de congés paternité.
Après de vifs débats, la directive sur « l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants » a été adoptée en juin 2019. Celle-ci vise à harmoniser les dispositifs dans les différents États membres, en établissant un congé paternité d’au moins dix jours ouvrables pour « les pères ou, le cas échéant, pour les personnes reconnues comme seconds parents équivalents par la législation nationale ». La rémunération du congé doit être assurée et être au moins équivalente « au niveau de la prestation de maladie à l’échelon national ». L’Espagne et la Finlande sont les pays qui affichent les congés paternité les plus longs de l’Union européenne, accordant respectivement 84 jours calendaires et 54 jours travaillés. De 11 à 25 jours calendaires, précédés d’un congé naissance de trois jours. Avec cet allongement de la durée du congé paternité, la France rejoint quand même les États membres de l’Union européenne dont les législations sont les plus généreuses vis-à-vis des jeunes pères.
La prise du congé paternité : une inquiétude des pères
Plus de dix ans après la création du congé de paternité en 2002, 30 % des pères ne le prennent pas. Pour des raisons économiques, car le maintien de rémunération n’est pas généralisé, mais aussi parce qu’aussi à cette époque la culture du présentéisme est prépondérante et demeure un levier essentiel à leur réussite professionnelle. Si, près de sept pères sur dix prennent ce congé à la naissance de leur enfant, de fortes disparités subsistent, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales daté de 2018. En effet, le taux de recours est bien plus élevé chez les pères qui occupent un emploi stable : il est de 80 % pour les salariés en CDI et de 88 % pour les fonctionnaires, contre 48 % pour les salariés en CDD et 13 % pour les demandeurs d’emploi. Des différences qui peuvent aisément s’expliquer dans un premier temps par la sécurité et la stabilité de l’emploi. Mais cela tient aussi à la perception du congé paternité à l’intérieur des entreprises.
Il apparaît ainsi que les pères ne demandent pas leur congé paternité le plus souvent pour des raisons professionnelles. Les raisons que les hommes avancent pour justifier le fait qu’ils ne profitent pas de ce congé sont surtout liées aux relations avec leur employeur. Ils craignent que celui-ci les considère comme peu impliqués dans l’évolution de leur entreprise, voire de leur propre carrière. Les indépendants, eux, expliquent que leur activité ne peut supporter cette « vacance ». En effet il ne faut pas oublier que l’indemnisation du congé parental est forfaitaire en France. Considérant ces appréhensions, on peut comprendre pourquoi une partie du congé paternité est devenue obligatoire à compter du 1er juillet 2021 : quatre jours consécutifs doivent être posés immédiatement après le congé de naissance de trois jours. Les 21 jours restants ne sont pas obligatoires et peuvent être pris de manière fractionnée dans les six mois suivant la naissance.
Un levier vers plus d’égalité hommes-femmes
Pour le gouvernement français, un objectif affiché avec l’allongement du congé paternité est notamment d’augmenter l’implication des pères dans les tâches parentales et domestiques. Selon une étude de l’Insee de 2015, les écarts restent très importants sur la répartition des tâches au sein du foyer. En moyenne, les femmes consacrent chaque jour 4 h 38 aux enfants et aux tâches domestiques. C’est quasiment deux fois moins pour les hommes, avec 2 h 26. Mais l’une des promesses de cette réforme doit aussi trouver sa traduction en entreprise et neutraliser l’effet encore négatif de la maternité sur la carrière des femmes pour réduire les inégalités salariales. Ce constat est largement partagé au sein des pays de l’OCDE : les femmes gagnent moins que les hommes et restent sous-représentées aux fonctions de direction.
En moyenne, les femmes salariées gagnent environ 15 % de moins que leurs homologues masculins et occupent moins d’un quart des postes en conseil d’administration. L’augmentation du temps du congé paternité n’est pas suffisant pour remédier aux inégalités professionnelles femmes-hommes mais peut y contribuer. Les inégalités se traduisent notamment par une plus fréquente réduction du temps de travail des femmes que des hommes lors de l’arrivée d’un enfant, ou par une moindre progression de leurs carrières professionnelles. Un phénomène qui se poursuit sur la question du congé parental, congé optionnel, renouvelable, à temps complet ou partiel, pour s’occuper de son enfant et qui reste peu choisi par les hommes.
L’échec du congé parental des hommes
Selon l’Insee en 2013, après une naissance, un homme sur neuf réduit ou cesse temporairement son activité contre une femme sur deux. Pourtant, en 2015, les congés parentaux ont subi une importante réforme. Dans le cadre de la loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la durée du congé parental a été modifiée. Pour un premier enfant, il a été porté de six mois maximum à un an, à condition toutefois que les deux parents le prennent. L’intention avancée est un partage au sein du couple. À partir du deuxième enfant, un parent ne peut plus prendre que 24 mois au lieu de trois ans ; seul le deuxième parent pouvant prendre les 12 mois restants. L’objectif de cette réforme était donc double : pousser les hommes à prendre plus de congés parentaux, et permettre aux femmes de revenir plus vite sur le marché du travail afin de limiter les inégalités. Les critiques disent aussi qu’en fait cela se traduit par une économie et un recul puisque les femmes ne peuvent plus bénéficier de trois ans et que les hommes sont peu nombreux à solliciter ce partage du congé parental.
En France, plus d’une mère sur deux d’enfants de moins de huit ans s’est arrêtée de travailler après la naissance de ses enfants ou a réduit temporairement son temps de travail, c’est-à-dire au moins un mois au-delà de son congé de maternité. Seuls 12 % des pères ont modifié leur temps d’activité au-delà de leur congé de paternité. Chez les femmes, ces modifications du temps de travail s’effectuent majoritairement dans le cadre du congé parental. En effet, le congé parental était pris à 98 % par des femmes. On ne peut donc que constater l’échec du dispositif. Les pères demeurent encore une minorité à prendre un congé parental. Et il n’est guère surprenant que les jeunes pères interrogés expliquent leur choix par des « raisons financières ». En effet, ce qui ne séduit pas est surtout le montant l’aide, bien loin de compenser la perte d’un salaire : 396 € par mois. Une somme insuffisante, selon les associations familiales, pour permettre aux deux parents de travailler l’un après l’autre. L’arbitrage économique prévaut au sein du foyer familial puisque les hommes gagnent en moyenne plus que les femmes. Le salaire mensuel net moyen des femmes en France est, selon l’INSEE, de 16,8 % inférieur à celui des hommes, et le salaire médian des femmes est, selon l’OCDE, de 11,5 % inférieur à celui des hommes. Alors, il devient presque naturel voire évident de se dire que c’est la mère qui va prendre le congé parental car le couple renonce au salaire le plus bas. Face à ce constat criant, le gouvernement est en réflexion sur des possibilités de réformes de l’indemnisation du congé parental. À l’automne, un rapport lui a été remis proposant de réduire le congé à 6 mois pour chaque parent soit au plus un an pour la première année de l’enfant. C’est court et bien moins que les trois ans initiaux et le partage entre la mère et le père impératif pour atteindre 12 mois au lieu de six. L’avancée consisterait ainsi d’une part à inciter un réel partage et d’autre part à mieux indemniser ce congé puisque la rémunération ne serait plus forfaitaire mais proportionnelle au salaire. Un plafond serait prévu mais aussi la possibilité de prolonger le congé parental en retrouvant alors une indemnisation forfaitaire.
Aujourd’hui, les entreprises se rendent également compte de la nécessité de trouver des solutions pour faciliter la vie des jeunes parents en mettant en place des dispositifs destinés équilibrer la vie professionnelle et la vie personnelle des travailleurs. Un sujet qui trouvera certainement place parmi vos futures revendications !
ENCADRÉ
ALLONGEMENT DU CONGÉ PATERNITÉ
Les objectifs du gouvernement
Avec l’allongement du congé paternité, les pouvoirs publics entendent offrir de meilleures conditions de développement pour les nouveau-nés, en permettant au second parent d’être plus présent pendant ses premiers jours ; contribuer à un rééquilibrage des tâches domestiques et parentales entre les parents et enfin réduire les effets de l’arrivée d’un enfant sur la carrière professionnelle des femmes (interruption ou réduction d’activité…).
Article rédigé par Ronan Darchen, cabinet Alinéa