
Après avoir limité l’acquisition de jours de congés payés pendant un arrêt maladie, la France s’est finalement alignée sur le droit européen qui consacre une place plus importante au droit au repos.
Pendant de nombreuses années, le droit français s’est montré réfractaire à ce qu’un salarié en arrêt pour une maladie non professionnelle puisse, pendant cette période de convalescence, acquérir des congés payés. Il semblait équitable que, du fait de son absence pour des raisons indépendantes de la volonté de son employeur, le travailleur ne dispose pas de jours de congés qui se seraient accumulés pendant cette absence. On ne saurait être malade et revendiquer des jours de repos.
En cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, le régime était un peu moins sévère puisque pendant la première année d’arrêt, des congés payés continuaient à tomber dans l’escarcelle des droits du salarié. Au-delà de cette période, ceinture ! Pas question de rétribuer aux frais de l’employeur des journées sous les palmiers pour un salarié qui a passé plus de temps au lit qu’au bureau ou à l’atelier.
Bras de fer : la Cour de justice de l’UE l’emporte
La Cour de justice de l’Union européenne a été d’un tout autre avis. Dans plusieurs décisions d’ampleur1, elle a rappelé que le droit à une période de congés annuels payés est, en vertu de la Charte des droits fondamentaux, « impératif et inconditionnel », toute législation nationale qui s’y opposerait devant céder le pas devant le texte de valeur supranationale. La Cour de cassation s’est rangée à cette interprétation dans plusieurs arrêts rendus le 13 septembre 2023, ce qui a pressé le gouvernement d’intervenir avec la loi du 22 avril 2024.
Il est désormais inscrit dans le Code du travail que les salariés en arrêt, que la maladie soit professionnelle ou pas, continuent à acquérir des droits à congés payés pendant la suspension de leur contrat de travail, et ce, dans la limite de quatre semaines par an en cas de maladie non professionnelle2.
Ce principe posé, il convient de déterminer jusqu’à quand le salarié peut reporter les droits qu’il a acquis. La règle, c’est qu’au moment où le travailleur reprend son poste l’employeur doit l’informer des droits dont il dispose (nombre de jours de congés et date jusqu’à laquelle ces jours peuvent être pris)3, la période de report étant d’au moins quinze mois en l’absence d’accord collectif plus favorable. Au-delà de ces quinze mois, les droits à congés payés expirent.
La loi nouvelle a, en outre, introduit des mesures rétroactives pour certaines situations qui n’auraient pas encore été tranchées par les juridictions à compter du 1er décembre 2009. De la sorte, tous les salariés ayant été en arrêt pour maladie non professionnelle entre cette date et la publication de la loi peuvent en revendiquer le bénéfice et réclamer à leur employeur (passé ou présent, le cas échéant) les droits à congés payés dont ils auraient dû disposer.
Quelques tempéraments ont tout de même été prévus pour limiter le nombre de contentieux que cela pourrait créer. D’une part, il conviendra d’agir en justice avant le 24 avril 2026 pour espérer obtenir gain de cause, toute action initiée après cette date pour la période antérieure à la loi étant vouée à l’échec. En votant cette loi, les parlementaires avaient aussi à l’esprit que l’indemnisation des congés payés ne représente, au maximum, que 10 % de la rémunération d’un salarié. À titre d’exemple, cela implique qu’un salarié absent pendant une année et percevant le salaire moyen en France (soit 2 520 € nets en 2021, d’après l’Insee) pourrait exiger une indemnité de 3 024 € au terme d’une procédure relativement longue et coûteuse.
Il n’est donc pas certain que tous les salariés concernés se ruent vers les tribunaux pour faire valoir leur droit au repos ; la reconnaissance de ce droit n’ayant rien d’une sinécure.
Bon à savoir : Perd-on ses congés payés pendant un congé parental d’éducation ?
Contrairement aux périodes d’arrêt pour maladie, on n’acquiert pas de droit à congés payés pendant un congé parental d’éducation. En revanche, les droits que l’on a acquis avant ce congé doivent être reportés après la reprise du travail. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation le 13 septembre 2023, là encore sur le fondement du droit européen4.
C’est un revirement de la plus haute juridiction française qui considérait auparavant que, dès lors qu’un salarié décide de partir en congé parental, il prend aussi la responsabilité de renoncer à ses droits à congés payés. Les juges prennent désormais en compte le fait que le droit au congé annuel payé est un principe essentiel du droit social de l’Union européenne et que, dans ce cadre, le salarié n’y renonce pas en exerçant son droit au congé parental d’éducation.
1. CJUE, 6 novembre 2018, C-569/16
2. Articles L. 3141-5 et L. 3141-5-1 du Code du travail
3. Article L. 3141-19-3 du Code du travail
4. Cass. soc., 13 septembre 2023, 22-14.043
Article rédigé par Julien Massillon, avocat, et Alexandre Barbotin, avocat associé, Greenwich Avocats
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