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Quelle que soit la taille de l’entreprise, le CSE doit nommer un « référent harcèlement sexuel et agissements sexistes » afin de lutter contre ce fléau en entreprise. Par Constance de Cambiaire.
Le travail est le premier espace dans lequel les femmes subissent du harcèlement sexuel et une femme sur cinq y serait confrontée au cours de sa vie professionnelle.[1]
Face à ce contat accablant, le rôle des CSE a été renforcé il y a trois ans. En effet, depuis le 1er janvier 2019, ce dernier doit obligatoirement désigner parmi ses membres, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, peu importe l’effectif de l’entreprise[2].
Si le Code du travail n’accorde aucun moyen spécifique au référent harcèlement dans le cadre de ses missions, il doit en revanche bénéficier d’une formation, prise en charge par l’employeur[3]. « Les référents ont besoin d’être aidés via de la formation mais aussi d’être accompagnés lorsque des situations de harcèlement se présentent », explique Thierry Della Rovere, fondateur des plateformes Stop Harcel’ et StopMarcel. L’entreprise met à leur disposition des coachs et leur propose des formations d’une ou deux journées.
L’objectif est de lui permettra d’assurer son rôle de référent auprès des salariés, mais aussi de devenir un acteur reconnu de la prévention en entreprise.
Une formation indispensable puisque trois Français sur quatre déclarent avoir du mal à identifier clairement les situations de harcèlement sexuel[4]. « Il semblerait que certains ne réussissent pas à faire de distinction entre harcèlement et séduction, souligne Maître Maude Beckers, avocate spécialiste du droit du travail et des questions de discriminations. Cela n’a pourtant rien à voir. » En effet, la loi du 6 août 2012 définit le harcèlement sexuel comme le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle portant atteinte à sa dignité ou « d’user de toute forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle ». Une infraction passible de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.
Ainsi, la formation dont il est question à ce sujet permettra à l’élu de mieux comprendre le harcèlement et détecter les signes ; de connaître le cadre juridique et de proposer des stratégies à l’entreprise vis-à-vis des actions à mener pour lutter contre le harcèlement sexuel ; de guider, informer et soutenir les salariés dans le cadre de la lutte contre le harcèlement sexuel et les comportements sexistes.
ENCADRÉ
QUIZ HARCÈLEMENT SEXUEL
Comment faire la différence entre séduction, agression, ou pire ?
Et vous, sauriez-vous détecter une situation de harcèlement sexuel ? Vérifiez-le avec ce questionnaire proposé par la rédaction de Social CSE et réalisé avec l’aimable collaboration de Maître Maude Beckers et Maître Christophe Noel, respectivement avocats en droit du travail et droit social.
- Mettre à une seule occasion une main aux fesses d’un.e collègue
STOP
« Toucher une partie intime, même une fois, ce n’est pas du harcèlement mais une agression sexuelle qui est pénalement plus gravement sanctionnée », insiste Christophe Noel. Un contact est qualifié d’agression sexuelle si est ou sont touchée(s) une ou plusieurs parties intimes de la personne ; c’est à dire les fesses, la poitrine, les cuisses, le sexe ou la bouche.
- Une collègue arrive en jupe au bureau et reçoit un compliment devant toute l’équipe
Attention, terrain miné
« Faire un compliment à une collègue n’est pas en soi interdit par la loi », explique Maude Beckers. Attention toutefois à la répétition. « Il faut prendre en compte le contexte : s’il complimente ses jambes régulièrement avec un regard appuyé devant d’autres collègues, en réifiant ainsi la salariée qui se rend au travail pour être appréciée sur ses qualités professionnelles et non pour ses attributs physiques, cela peut devenir une situation humiliante qui pourrait ainsi être qualifiée de harcèlement. »
- Le patron promet une promotion à un.e employé.e à condition qu’il /elle cède à ses avances
STOP
« Aucun doute, on est dans une situation de harcèlement car le supérieur hiérarchique exerce une pression grave sur une salariée dans le but d’obtenir des relations sexuelles, tranche Maude Beckers. Extorquer une relation sexuelle sans consentement n’est d’ailleurs pas loin de la définition du viol. » Ce type de comportement constitue une circonstance aggravante et les peines peuvent aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.
- Des collègues font à longueur de journée des blagues à connotations sexuelles sur les femmes
Attention, terrain miné
Il faut faire attention à ce genre de comportement qui peut être qualifié de harcèlement d’environnement et d’ambiance. La cour d’appel d’Orléans, dans une décision du 7 février 2017, a condamné un journal à 78 500 euros de dommages et intérêts à la suite de la plainte d’une employée qui avait dénoncé des propos récurrents à connotation sexuelle, particulièrement dégradants à l’égard des femmes, sous couvert d’humour.
[1] Selon une enquête menée en 2014 par le Défenseur des droits
[2] Article L2314-1 du Code du travail
[3] Articles R2315-20 et R2315-21 du Code du travail
[4] Selon une enquête du défenseur des droits de 2014