Juridique

Heures supplémentaires : la Cour de cassation rappelle les règles, le CSE doit veiller

Les heures supplémentaires, c’est un sujet qui revient souvent sur la table lors des réunions CSE. Entre salariés qui se plaignent de ne pas être payés correctement, bulletins de paie peu clairs et dépassements de durées maximales, vous êtes régulièrement sollicité pour alerter ou intervenir.

L’actualité du 10 septembre 2025 renforce encore l’importance de votre rôle : la Cour de cassation a rappelé qu’un salarié peut obtenir le paiement de ses heures supplémentaires même si sa semaine inclut des congés payés et qu’il n’a pas atteint les 35 heures de travail effectif. Une précision qui change beaucoup de choses dans le calcul et qui oblige les employeurs à plus de rigueur.

En tant qu’élu du CSE, vous devez comprendre cette décision et utiliser vos prérogatives pour protéger les salariés.

Le rappel des règles : ce que l’employeur doit respecter

Au-delà de 35 heures par semaine (sauf régime équivalent prévu par accord), les heures effectuées doivent être considérées comme des heures supplémentaires. Comme vous le savez, elles obéissent à des règles strictes :

  • Majoration : +25 % de la 36e à la 43e heure, puis +50 % à partir de la 44e (sauf accord plus favorable).
  • Contingent annuel : 220 heures par salarié, sauf accord collectif qui fixe un autre seuil.
  • Durées maximales : 10 heures par jour, 48 heures par semaine, 44 heures en moyenne sur 12 semaines (plafond exceptionnel de 60 heures).
  • Repos compensateur : obligatoire en cas de dépassement du contingent annuel.
  • Bulletin de paie : toutes les heures supplémentaires doivent apparaître clairement, avec leur majoration.

Les conséquences si l’employeur ne respecte pas la loi

Les heures supplémentaires ne sont pas une “faveur” accordée par l’employeur : elles sont encadrées par le Code du travail et donnent lieu à des droits précis. Lorsqu’elles ne sont pas correctement payées ou compensées, les risques juridiques et financiers sont réels.

  • Rappels de salaires : un salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour réclamer le paiement de ses heures supplémentaires. Et ce type de contentieux est fréquent : les juges admettent souvent la preuve apportée par le salarié (plannings, mails envoyés tard, relevés d’heures manuscrits). L’employeur peut donc se voir contraint de régulariser plusieurs mois, voire plusieurs années d’arriérés.
  • Dommages-intérêts : au-delà du simple paiement des heures, les juges peuvent condamner l’entreprise à indemniser le salarié pour le préjudice subi : surcharge de travail, atteinte à sa santé, privation de repos… Les montants peuvent rapidement grimper si plusieurs salariés agissent en même temps.

Sanctions pénales : le non-respect des durées maximales de travail ou l’absenced’affichage et de suivi des heures constitue un délit. En cas de manquements répétés ou graves, l’employeur (et parfois le dirigeant en personne) risque des amendes, voire une peine d’emprisonnement dans les cas les plus sérieux.

Pour le CSE, chaque irrégularité sur les heures supplémentaires doit donc être considérée comme un signal d’alerte. Une heure non payée aujourd’hui peut ouvrir la voie à un litige collectif demain. Et au-delà de l’aspect financier, c’est aussi une question de protection de la santé des salariés : des durées excessives de travail non contrôlées augmentent les risques d’accidents, d’absentéisme et de burn-out.



Le rôle du CSE dans le suivi des heures supplémentaires

Le CSE n’organise pas les heures supplémentaires, mais il a plusieurs moyens d’action pour s’assurer qu’elles respectent la loi et qu’elles ne portent pas atteinte aux droits ou à la santé des salariés :

  • Information et consultation
    L’employeur doit informer et consulter le CSE sur les questions liées à l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise (article L.2312-8 du Code du travail). Cela inclut notamment la durée du travail et les modalités de recours aux heures supplémentaires.
  • Données sociales
    À travers la BDESE (Base de données économiques, sociales et environnementales), le CSE accède à des informations globales sur l’emploi, les rémunérations et l’organisation du temps de travail. Ces éléments permettent aux élus de suivre l’évolution du volume d’heures supplémentaires.

Vous l’avez compris, le CSE n’est pas chargé de vérifier la paie salarié par salarié, mais il est bien un acteur de vigilance : il veille à ce que les règles légales soient respectées, que les salariés ne soient pas lésés, et que leur santé ne soit pas compromise par une utilisation abusive des heures supplémentaires.

  • Le CSE contribue à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail (article L.2312-5). Si le recours excessif aux heures supplémentaires entraîne une surcharge de travail, les élus peuvent alerter l’employeur.
  • Droit d’alerte : En cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale, ou à leurs libertés individuelles, le CSE dispose d’un droit d’alerte (articles L.2312-59 et suivants). Un recours massif aux heures supplémentaires non encadrées peut entrer dans ce cadre.
  • Relais vers l’inspection du travail : En cas de manquements répétés (non-paiement, dépassement des durées maximales, repos non respectés), le CSE peut solliciter l’intervention de l’inspection du travail, qui a le pouvoir de contrôler les documents individuels (bulletins de paie, documents relatifs au temps de travail…).

Ce que vous pouvez faire dès maintenant

  • Vérifiez si les heures supplémentaires apparaissent clairement sur les bulletins de paie.
  • Comparez le décompte fourni par l’employeur avec les témoignages des salariés.
  • Rappelez l’arrêt du 10 septembre 2025 en réunion CSE pour sécuriser le calcul des heures.
  • Soyez force de proposition pour un accord collectif qui protège au mieux les salariés.

5 Choses à retenir sur les heures supplémentaires

  1. Nombre moyen d’heures sup réalisées par salarié

D’après la Dares (secteur privé hors agriculture, etc.), au 1er trimestre 2025, le nombre moyen d’heures supplémentaires rémunérées par salarié à temps complet (avec décompte horaire) était de 16,1 heures.

  1. Les heures sup sont exonérées d’impôt

Depuis 2019, les heures supplémentaires sont exonérées d’impôt sur le revenu (dans la limite de 7 500 € par an). Elles sont également exonérées de cotisations sociales dans une certaine limite.
(Article 81 quater du Code général des impôts)

  1. Un contentieux massif aux prud’hommes

Les litiges sur les heures supplémentaires sont l’une des premières causes de saisine des prud’hommes dans les affaires liées au salaire.

La Dares estime que plus de 30 % des affaires prud’homales concernent la rémunération, et une grande partie porte sur le paiement des heures sup.

  1. les “petits indices” d’heures supp peuvent suffire devant un juge

Un salarié n’a pas besoin d’un décompte minute par minute pour prouver ses heures supplémentaires. Des éléments comme des mails envoyés tard, des plannings manuscrits ou des attestations, pris ensemble, peuvent être considérés comme suffisamment précis. C’est alors à l’employeur de justifier sa version. 

Cass. soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919

Article rédigé par Juritravail

Publicités

La News de Social CSE

Tous les mois recevez gratuitement l'essentiel de Social CSE + des invitations en avant-première à nos événements premium