
Voilà dix ans, la loi dite « Rebsamen » réorganisait les consultations du CSE en fixant trois rendez-vous annuels. Deux ans plus tard, la réforme Macron-Pénicaud remplaçait le mot « annuel » par « récurrent » invitant ainsi à espacer ces moments pourtant essentiels du dialogue social en entreprise. Tentaculaire, la consultation sur la politique sociale est souvent escamotée ou partielle. Quelle erreur !
La lecture du seul article L2312-26 du Code du travail suffit à convaincre de l’importance et de l’utilité de ce rendez-vous « La consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi porte sur l’évolution de l’emploi, les qualifications, le programme pluriannuel de formation, les actions de formation envisagées par l’employeur, l’apprentissage, les conditions d’accueil en stage, les actions de prévention en matière de santé et de sécurité, les conditions de travail, les congés et l’aménagement du temps de travail, la durée du travail, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés dans les entreprises non couvertes par un accord sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie et des conditions de travail contenant des dispositions sur ce droit ».
Le cadre légal et ses objectifs
Rien n’est oublié et rien n’est à jeter ! Un coup d’œil dans le rétroviseur nous rappelle qu’auparavant l’employeur devait procéder à plusieurs consultations tout au long de l’année. Le législateur dans sa volonté de simplification a regroupé en 2015 les thématiques et argumenté que cela donnerait une vision plus complète au CSE de disposer en même temps de l’ensemble des diagnostics de l’année. Pour peu que l’employeur se plie à l’exercice et que le CSE se donne les moyens de mener l’analyse sans succomber au découragement confronté à une flopée de données… Cela vaut naturellement pour les CSE des entreprises dont la direction renseigne convenablement la Base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE).
L’avis du CSE est important, mais limiter la consultation sur la politique sociale à cette expression est réducteur. La loi prévoit d’ailleurs que le comité peut se prononcer par un avis unique ou par des avis séparés organisés au cours de consultations propres à chacun de ces thèmes. Les élus peuvent être satisfaits du plan de développement des compétences et plus critiques sur les recrutements ou le système de rémunération. Il s’agit alors aussi pour la représentation du personnel de donner de la lisibilité à ses prises de position. Ainsi, la consultation sur la politique sociale peut se tenir en plusieurs temps et un accord de dialogue social organiser les différentes phases : par exemple, l’emploi et les rémunérations au 1er semestre, la formation et les conditions de travail au second. Dans cette hypothèse, il s’agira aussi d’adapter l’intervention de votre expert si vous y avez recours.
Un objectif de la consultation sur la politique sociale a été de répondre favorablement à la demande des employeurs qui se plaignaient d’un nombre de consultations annuelles trop important. Toutefois, la représentation du personnel, pour une fois, n’est pas nécessairement perdante puisque cela a ouvert un nouveau domaine d’investigation à l’expert-comptable du CSE. Certes, celui-ci analysait déjà les rémunérations quand il traitait la situation économique, mais ici le champ est bien plus large, au point d’ailleurs que l’économiste s’adjoint les services d’un juriste social et d’un spécialiste des conditions de travail quand il entend traiter complètement une politique sociale sans pour autant verser dans une mission relevant de l’expert habilité en santé, sécurité et conditions de travail, comme ont pu le souligner des juges.
Quelles informations pour le CSE ?
Poursuivons la lecture de l’article L2312-26 du Code du travail qui expose en neuf points les thématiques qui font une consultation complète. Il apparaît que le législateur a suivi l’architecture qu’il a définie pour la BDESE et, plus tôt, le bilan social. Ainsi, la présentation ne peut pas faire l’économie d’une revue exhaustive de la situation de l’emploi qui constitue un premier chapitre. Les élus doivent retrouver une photographie au 31 décembre de l’année antérieure, plus rarement à une date différente quand la société a décidé de se caler sur son exercice fiscal. Vous avez alors les informations sur l’évolution de l’emploi, des qualifications, les actions en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, le nombre et les conditions d’accueil des stagiaires, l’apprentissage et le recours aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial.
L’égalité entre les hommes et les femmes ne se limite pas à l’index égalité qui vous est présenté au mois de mars depuis quelques années. Ainsi, vous devez retrouver les indicateurs de l’ancien rapport de situation parmi les informations et les indicateurs chiffrés comparant la situation des femmes et des hommes. Normalement ils sont dans la BDESE mais, bien que la loi n’en fasse pas une exigence à ce jour, une note commentant les indicateurs sera la bienvenue. Après tout, une consultation récurrente ou non implique de disposer d’une information précise et écrite et quelques mots de l’employeur pour donner sa lecture des chiffres ne seront pas superflus s’il entend défendre sa politique sociale. Nous constatons malheureusement que la présentation d’un dossier explicatif est encore rare alors qu’elle permet d’anticiper bien des questions et aide les élus à comprendre de possibles contraintes et les choix de l’entreprise.

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Le chapitre rémunérations est évidemment primordial pour rappeler qu’on ne parle pas salaires uniquement en NAO et avec les délégués syndicaux. Le CSE aussi à voix au chapitre et peut s’exprimer sur la politique salariale de l’entreprise. Obtenir les indicateurs prévus par la BDESE aidera également les organisations syndicales à compléter leur demande d’information pour cette négociation annuelle que tous les salariés attendent. L’article L2312-26 liste pour la thématique suivant le plan de développement des compétences (PDC) et les informations sur la mise en œuvre des contrats de professionnalisation et du compte personnel de formation auxquelles s’ajoute le bilan des entretiens professionnel. Quand une commission dédiée existe, le plan de formation et les axes de l’année suivante ont normalement déjà pu être étudiés mais rappelons que seul le CSE est en capacité juridiquement de délivrer un avis sur ce point de la consultation.
Le volet suivant est aussi intéressant à aborder puisqu’il s’agit du temps de travail ; sujet complexe s’il en est et recelant tant d’enjeux que vous irez sûrement au-delà d’un simple regard sur le respect du contingent annuel pour les heures supplémentaires. Ici, c’est finalement de l’organisation et de la charge de travail dont il sera également question. Ainsi, la place faite (ou non) au temps partiel n’est pas la même partout. Temps choisi ou subi ? L’entreprise favorise-t-elle des aménagements tout au long de la vie du salarié ? Temps partiel senior, retraite progressive, temps partiel pour raison de santé, pour gérer une autre activité, être aidant familial ou encore accompagner les premières années des enfants. La politique au regard du temps partiel dit beaucoup de l’ouverture d’esprit ou non d’une entreprise sur l’articulation des temps professionnels et personnels. Un peu comme envers le télétravail ou le handicap…
Politique sociale & CSE : Approfondir et investir de nouveaux champs
Les élus du CSE doivent rendre chaque année un avis éclairé sur la politique sociale de leur entreprise. Au cours de cette consultation, des thèmes classiques vont être abordés, tels que ceux liés aux indicateurs du bilan social. Mais les élus le savent, cette vision ne leur permet pas de répondre suffisamment aux questionnements et inquiétudes qu’ils recensent sur le terrain. Exercer leur droit à recourir à un expert dans le cadre de cette consultation apparaît alors comme l’opportunité d’investir et d’approfondir de nouveaux champs :
– Interroger la redistribution des bénéfices de l’activité : l’expert peut mettre en exergue les niveaux de disparité dans l’attribution des augmentations du salaire de base et dans la distribution des primes et ainsi fournir aux élus du CSE et leurs négociateurs des pistes pour légitimer leurs demandes dans le cadre de leur prochaine négociation annuelle sur les salaires (mesure générale d’augmentation, plancher et plafond pour l’attribution de primes exceptionnelles, etc.) ;
– Veiller à l’égalité et l’équité : l’expert peut fournir au CSE, via des méthodes statistiques poussées, des analyses sur des indicateurs de rémunération au sein de périmètres pertinents d’observation, lui permettant de mesurer l’égalité femmes/hommes ;
– Faire vivre les accords collectifs : l’expert peut faire le bilan de mesures négociées et proposer un benchmark visant à les améliorer sur des accords comme ceux portant sur l’emploi des seniors, la qualité de vie au travail… ;
– Interroger les parcours de carrière et les promotions : l’expert peut évaluer la pertinence des entretiens d’évaluation et leur suivi dans l’entreprise ainsi que les parcours de formation ;
– Anticiper une potentielle dégradation des conditions de travail : l’expert peut croiser des indicateurs (recours aux heures supplémentaires, hausse des départs, absentéisme de courte durée…) pour les mettre en perspective avec le contexte (réorganisation, déménagement…) et préconiser des mesures de prévention adaptées.
En mobilisant pleinement leur droit à l’expertise, les élus du CSE peuvent ainsi dépasser une lecture purement « comptable » de la politique sociale pour en faire un véritable levier d’action, au service de la justice sociale, de la qualité de vie au travail et de la performance durable de l’entreprise.
Publirédactionnel par Apex Isast Formation
Une consultation qui n’est pas mature dans les entreprises
À l’évidence, la consultation sur la politique sociale, au bout de dix ans pourtant, n’occupe pas encore la place qu’elle devrait avoir dans les attributions du CSE. Trop d’employeurs veulent y voir uniquement une réduction de leurs obligations et n’accordent pas l’attention nécessaire aux conditions de travail en dépit du discours sur la QVCT (Qualité de vie et des conditions de travail). Le fait que toutes les thématiques sociales soient parcourues en une seule consultation y participe : par exemple, le CHSCT ayant disparu, le document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp) et le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (Papripact) sont souvent « glissés » à ce moment. Il aura fallu la loi Santé de 2021 pour consacrer une consultation au Duerp et exiger la formalisation du Papripact.
Si l’employeur banalise cette consultation, le CSE doit, au contraire, s’en saisir car l’occasion est belle de passer en revue et d’analyser, chiffres à l’appui, les résultats de la politique de l’entreprise. La consultation sur la politique sociale doit donner une vision complète et homogène et permettre au CSE d’organiser une veille active des pratiques sociales à une époque qui tend vers moins de lois et plus d’accords et où les règles sont de plus en plus définies au niveau de l’entreprise. Les trois consultations annuelles quand vous faites appel à un expert sont souvent présentées comme un coût supérieur, comparé à l’époque du seul examen des comptes. Mais rappelez à votre employeur que la concentration résultant du CSE a généré des économies et que l’enjeu d’un DRH devrait plus être orienté vers un investissement au service du dialogue social que la recherche d’une limitation des coûts d’expertises. Vous pouvez peut-être même lui souffler que cette consultation teste la consistance de sa BDESE et permet de l’améliorer. Après tout, la concertation que préconisait l’administration du travail à la création en 2013 de la BDES n’a pas eu lieu et le chapitre Environnemental ajouté en 2021 fait encore souvent défaut. N’oublions jamais qu’une négociation équilibrée est impossible sans une information partagée. L’expert du CSE corrige cette asymétrie pour une négociation plus loyale. Un dialogue social efficace passe par des dossiers instruits en amont. Et cela implique des moyens pour les représentants du personnel dont l’expert fait partie !
NAO : le CSE amène des informations clés aux DS
La BDESE n’est jamais complètement renseignée ? Les informations sont souvent trop générales ? Vous avez la moyenne des salaires par catégories socioprofessionnelles seulement mais ni la médiane, ni une présentation par coefficient ? Les plus hautes rémunérations sont oubliées ? Les éléments de rémunération variables ne figurent pas dans la BDESE ou ne sont pas détaillés ? L’examen de la politique sociale corrige tous ces manquements car votre expert accède aux données sources et est capable de décortiquer la politique de rémunération de l’entreprise. Avec une analyse fine des rémunérations et leur suivi sur la durée, les délégués syndicaux (DS) sont équipés pour la NAO et peuvent soutenir l’échange avec l’employeur sur des éléments concrets, chiffrés : évolutions constatées, effets des décisions et accords passés, éléments externes… Représentants du personnel, la politique sociale est une formidable occasion de partager l’information quand l’entreprise a tendance à vous renseigner de manière cloisonnée.
L’employeur fait observer que l’avenir est incertain ? L’expert mettra en évidence les marges de manœuvre sans oublier les évolutions annoncées avec la stratégie. En intervenant sur la politique sociale, il est clair qu’il n’oubliera pas de jeter un œil sur les perspectives présentées lors des orientations stratégiques et sur la situation économique. Bien sûr, les trois consultations sont distinctes et chacune des missions d’expertise associées ont leurs spécificités. Néanmoins, l’information est disponible et donne des éléments de contexte pour apprécier la politique sociale décidée par l’entreprise. D’ailleurs, si le législateur a estimé nécessaire que le CSE puisse se faire assister d’un expert pour la politique sociale, c’est bien que les missions sont complémentaires. Ajoutons qu’avec l’expert le CSE ne va pas se limiter aux informations de la BDESE mais bénéficier de ses moyens d’investigation étendus pour obtenir des informations qualitatives (entretiens avec les responsables au-delà des seuls chiffres), des analyses ou des comparatifs internes comme externes (données de secteurs ou de branches, bonnes pratiques, comparatifs d’accords). L’expert-comptable saura lier le social à l’économique : la sous-traitance, par exemple, n’est pas qu’un volume de CA mais un choix stratégique qui impacte l’emploi et mérite des explications au regard de la politique sociale. L’expert-comptable est également autorisé à mobiliser des intervenants juristes et ergonomes pour s’assurer que les dispositions de la CCN et des accords sont respectées, à analyser le Duerp et porter une opinion sur le Papripact : la politique sociale comprend toutes les facettes des conditions de travail. Finalement, c’est la seule expertise qui étudie les pratiques sociales et les conditions de travail sans attendre un risque grave ou un projet important ! C’est une consultation atypique puisqu’il s’agit d’un rendez-vous et non pas d’un nouveau projet de l’employeur. Et ce genre de rendez-vous ne se manque pas pour relayer une préoccupation particulière exprimée par les salariés, par exemple, ou encore pour la préparation de négociations autres que la NAO (télétravail, égalité professionnelle, QVCT…). Car l’examen de la politique sociale est de nature à alimenter l’ensemble des trois blocs de négociation.
Redynamiser vos commissions ou simplement aidez-les !
Les commissions ont du plomb dans l’aile depuis la disparition des comités d’entreprise. Bon nombre de CSE n’en ont pas car l’effectif est en dessous du seuil de 300 salariés et les autres peinent à les animer, faute de dossiers construits par les services RH qui renvoient à une BDESE illisible. Le comité pourra souhaiter construire avec l’expert son tableau de bord sur un certain nombre d’indicateurs : turnover, délai d’accès aux promotions, taux de transformation des CDD en CDI, nombre de ruptures conventionnelles, de CPF sur le temps de travail… qui ne sont pas directement accessibles ou mal renseignés. Les commissions (logement, formation, égalité professionnelle, protection sociale, …) vont retrouver les informations dont elles ont besoin pour travailler : un agenda social interne au CSE et une coordination (ou création) de commissions seront possibles. C’est en suivant la vie de l’entreprise, année après année, que le CSE prend sa place et s’impose comme un acteur incontournable. Cela demande du temps et un investissement personnel important que les heures de délégation ne suffisent pas à couvrir. L’expert est un accélérateur pour obtenir l’information, la traiter et l’analyser. Au CSE et aux DS ensuite de se saisir de ses travaux pour obtenir des progrès sociaux. Être consulté sur le passé a du sens comme pour la situation économique : à la lumière des constats et résultats, le CSE peut traiter l’actualité ainsi que l’avenir et confronter l’employeur à ses actes. Lire le passé pour améliorer le présent et l’avenir… La consultation sur la politique sociale permet de disposer d’un diagnostic annuel récurrent afin d’améliorer les conditions de travail, la politique de prévention, relier des constats sociaux, épars ou absents. Ce diagnostic peut venir à l’appui de signalements ou d’alertes auprès de l’inspection du travail, destinataire de l’avis du CSE. Bref, ne banalisons pas cette consultation et préservons son caractère annuel.
Article rédigé par Ronan Darchen, cofondateur d’Alinéa

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