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Proximité & services : L’entreprise est-elle toujours glamour pour les salariés ?

© halayalex on freepik

Lieu de sociabilisation, facilitateur de créativité, espace d’intégration des nouveaux collaborateurs et de reconstruction des collectifs éclatés par le télétravail, vecteur du sentiment d’appartenance à une équipe ou à une entreprise… Non ! Le bureau n’est pas mort et a encore de beaux jours devant lui. Même s’il doit opérer une petite révolution et être revisité pour faire face aux défis de la réorganisation du travail. Le succès repose sur des espaces et des services repensés autour des besoins réels des salariés que doivent remonter les CSE.

Premier enjeu de l’attractivité des bureaux : la localisation. Parmi les paramètres indispensables à prendre en compte pour les rendre attirants, l’environnement et l’accessibilité. Pour­ Matthieu Lalou, fondateur et CEO de Spliit, qui accompagne les startups et PME dans leur recherche de bureaux, un local attrayant ne se limite pas à sa plus simple expression. « Cela dépasse les frontières du bureau. Il doit se trouver dans un environnement dynamique et commerçant, dans un quartier attractif, avec des restaurants, de la vie. Il doit également être accessible facilement et par tous ». De fait, les bureaux en centre-ville – à Paris comme dans toutes les grandes métropoles – attirent depuis quelques années car ils bénéficient de transports en commun plus nombreux et offrent la possibilité aux collaborateurs de venir à vélo. En ce sens, le bureau doit être synonyme de facilité. Pour Christophe Gauthier, directeur de mission chez Secafi, cabinet spécialisé dans l’expertise, l’assistance et le conseil auprès des élus du ­ personnel, l’enjeu des entreprises est de « retrouver une centralité pour se rapprocher d’axes de mobilité ou se rapprocher de leurs partenaires ». Les collaborateurs veulent des bureaux placés dans « un environnement urbain fonctionnel et agréable avec une concentration d’aménités : commerces, écoles, accès à la culture, etc. », abonde Mathieu Obertelli, doctorant R&D chez Kardham, acteur de l’immobilier professionnel. Ces hypercentres ont le mérite de disposer d’une multitude de lieux de vie à proximité ; des atouts de taille qui attirent les actifs. « Certains ont envie d’avoir une salle de sport à côté du bureau, d’autres de pouvoir faire une course dans un magasin de proximité entre midi et deux, ou encore de pouvoir boire un verre après le boulot avec leurs collègues », énumère Matthieu Lalou.

S’inspirer des codes de l’hôtellerie

Autre enjeu : faire vivre une expérience aux salariés quand ils officient sur site. Pour y parvenir, « les propriétaires de bureaux intègrent dans la rénovation un socle de services pour toujours simplifier la vie des collaborateurs, explique Matthieu ­ Lalou. Cela peut passer, par exemple, par la mise en place d’Amazon Hub Locker pour recevoir des colis, par l’aménagement d’un local à vélos ou encore par l’installation de distributeurs Foodles qui livrent chaque jour des menus frais et gourmands, cite-t-il. On tend ainsi vers une expérience servicielle, comme lorsque l’on rentre dans un hôtel », compare Matthieu Lalou. Les services sont ainsi de plus en plus sophistiqués et se déclinent à la fois en restaurants d’entreprise haut de gamme, salons d’accueil, salons confidentiels, services de conciergerie, locaux à vélos accompagnés d’une offre de révision, cafétérias animées et accompagnées d’accueils à différents moments de la journée, détaille-t-il. Ces espaces, qui sont des extensions des bureaux, prennent de plus en plus de place dans les immeubles ». Pionnière dans le déploiement de services hôteliers au sein d’immeubles du tertiaire, la start-up Haveagooday, partenaire hospitality des entreprises, s’est d’ailleurs spécialisée sur le créneau pour favoriser le bien-être des collaborateurs. Le flex office, cette organisation où les postes de travail ne sont pas attribués et où sont aménagés des espaces professionnels qui correspondent à l’activité de l’employé, s’est largement démocratisé. « Le collaborateur va parcourir, dans la journée, plusieurs univers qui correspondent à ses différentes activités », explique Christophe Gauthier. Les bureaux sont ainsi conçus en faisant la part belle aux salles de réunion, aux lieux collaboratifs et de détente. Dans le détail, le flex office se caractérise par l’aménagement d’open spaces et de salles créatives avec par exemple, « des tableaux interactifs et la possibilité d’écrire sur les murs », détaille-t-il. Quant aux zones d’échanges, elles comprennent généralement des auditoriums dotés de grands écrans et d’un système sonore performant, de lieux informels et de convivialité, et d’endroits plus confidentiels insonorisés pour pouvoir se concentrer ou échanger au téléphone. « Nous ne sommes plus dans la caricature de l’open space ou des bureaux fermés, note Matthieu Lalou. Grâce à la place gagnée sur la dimension des bureaux, les entreprises retravaillent en parallèle des espaces hybrides qui permettent de se rassembler, de partager voire de prendre une pause déjeuner à plusieurs. Ils se veulent à la fois confortables, collaboratifs, formels ou informels, et représentent 40 % des bureaux ». Objectif ? Faire de l’entreprise un lieu de plaisir et de convivialité favorisant les ­ rencontres.

« Des CSE multisollicités »

Si l’objectif des entreprises est de proposer des conditions de travail optimales aux collaborateurs mais aussi de se tourner vers des surfaces à échelle humaine, plus cohérentes avec la fréquentation et plus économiques, permettant ainsi de mutualiser les postes, « ces transformations profondes touchent les accords collectifs et impactent le rythme de travail et les enjeux du vivre ensemble », relève Christophe Gauthier. À ce titre, tout comme l’ancien CHSCT, le CSE a pour mission de contribuer à promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail. Il peut en ce sens proposer des mesures pour prévenir les risques et améliorer ces conditions. Dans le cadre d’aménagement ou de réaménagement de bureaux, le CSE peut faire remonter les attentes des salariés sur les nouveaux espaces. C’est ce qu’a fait l’une de ces instances, implantée dans la capitale et dont les bureaux sont répartis dans trois immeubles à Paris. L’entreprise les réaménage un à un. Certes, les élus de CSE s’assurent de la partie sécurité des nouveaux bureaux afin d’optimiser la santé de leurs collègues au travail. Mais leur implication va bien au-delà. Le CSE a réalisé des sondages pour interroger les salariés sur leurs attentes en amont de ces travaux. « Nous avons porté les revendications de nos collègues et elles ont été entendues. Qu’il s’agisse de la pose du parquet en lieu et place de la moquette, des travaux de peinture aux murs, de toilettes séparées dévolues aux hommes et aux femmes, de WC suspendus, leur quotidien se voit optimisé. De surcroît, la cuisine totalement réaménagée comprend désormais davantage de tables et s’accompagne à présent d’un espace repos avec des bancs matelassés. Enfin, nos ouvrants droit disposent dorénavant de casiers pouvant être fermés à clé », détaille la trésorière du CSE. Déléguée syndicale référente CFDT à la Matmut, Pierrette Legendre se félicite de la contribution active du CSE, lors du choix des locaux. La société d’assurance mutuelle dont le siège est à Rouen compte quelque 500 agences réparties sur le territoire. De fait, le réseau change régulièrement de bureaux pour être toujours au cœur des centres-villes et de l’attractivité commerciale. Et même si le CSE de Matmut n’est pas toujours informé de ces déménagements, lorsqu’il l’est, il s’empare du sujet. « Le CSE tient un rôle non négligeable dans le groupe Matmut car il est associé à la mise en place des nouveaux bureaux et à l’aménagement des locaux. Nous avons régulièrement des points sur le sujet en réunion. Est-ce que ces remontées sont prises en compte et retenues, ça c’est une autre question, nuance-t-elle. En tout cas, les retombées prennent du temps ». Christophe Gauthier rappelle que lors des déménagements, les CSE doivent être consultés. « Le Code du travail part du principe que le comité doit rendre un avis informé et éclairé dès qu’advient un changement significatif ayant des impacts sur l’organisation ou les conditions de travail des collaborateurs. Le déménagement en fait donc partie ». Selon lui, les CSE sont « multisollicités » sur le sujet des déménagements qui sont « imposés de façon massive depuis la Covid », avec un jargon (open space, flex office, clean desking ou hot desking) qui n’est pas toujours évident à appréhender. « Selon le degré de maturité du dialogue social dans l’entreprise, les élus du CSE vont aller plus ou moins loin dans leur phase d’investigation ». Mais ils seront a minima consultés sur ces différentes initiatives et peuvent également être les instigateurs de nouvelles installations. Quoi qu’il en soit, il est de leur ressort de réagir, d’émettre un avis dans un sens ou dans un autre, d’identifier des points de vigilance et de faire des recommandations en proposant des éléments palliatifs ou de prévention. « Même si une fois sur deux, l’entreprise ne les prendra pas en compte », constate Christophe Gauthier. Hélas…

Article rédigé par Charlotte de Saintignon

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