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Formations des Élus : Entre droit et devoir…

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Depuis 2017, et le paquet d’ordonnances dites « Macron », les élus des CSE ont obtenu des droits à la formation afin de mieux connaître le fonctionnement du CSE et de ses attributions, mais aussi, et surtout, de mieux remplir leurs nombreuses missions. Loin d’être optionnelles, certaines de ces formations sont d’ailleurs obligatoires.

« Investir dans la formation, c’est conjuguer au présent, mais aussi futur, le souci des hommes et le souci des résultats. » Philippe Bloch, auteur, conférencier et grand connaisseur du monde de l’entreprise, résume en une phrase l’importance de la formation en général mais qui s’applique parfaitement à celles qui concernent les élus des CSE.

Formation : un droit renouvelable

Depuis les ordonnances du 22 septembre 2017 à l’origine de la mutation du CE en CSE, et accessoirement de la fusion des rôles des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de santé et des conditions de travail, les missions des élus ont évolué et se sont complexifiées.

Élu depuis la fin de l’année dernière en tant que secrétaire, Vincent Hardy, employé au Havre de Transdev, une entreprise commissionnaire de transport, a réalisé au printemps dernier la formation santé, sécurité et conditions de travail. Celle-ci s’est déroulée entièrement en visioconférence, avec d’autres élus du groupe auquel appartient la société de Vincent Hardy. Une formation qu’il a jugée des plus utiles. « Cette formation m’a fait découvrir toutes les missions des élus dont je n’avais pas idée pour certaines d’entre elles. Elle m’a aiguillée sur ce que je devais faire en tant que délégué du personnel et cela a été d’autant plus appréciable que notre CSE vient seulement de voir le jour. Personne n’était là pour nous guider dans nos nouvelles missions ni pour nous expliquer concrètement en quoi consistait notre rôle. La formatrice a su rendre l’exercice très vivant. Elle nous a également donné de nombreuses pistes à explorer pour encore mieux nous informer. »

Afin de leur permettre de remplir au mieux leur mandat, ces ordonnances ont accordé de nouveaux droits à la formation pour les élus. Pour autant, la formule pratique pour laquelle a opté l’élu de Transdev n’est pas sans poser de souci. « Certains de nos collègues ne pouvaient pas se sentir totalement libres d’aborder certaines thématiques car ils étaient sur leur lieu de travail et entourés de leurs collègues », précise Vincent Hardy. Bien que secrétaire, l’élu n’a pas pu profiter de la formation juridique et économique puisqu’il n’est que suppléant. « Faute de candidat aux élections, nous ne sommes que deux dans notre CSE alors que nous devrions être quatre, explique-t-il. J’aurais aimé suivre cette formation car je me pose quelques questions à ce sujet. » La faiblesse des effectifs de son CSE pose d’autres problèmes. « La loi sur les CSE part d’un bon sentiment. Le législateur a voulu bien faire. Mais la charge de travail qui repose sur les épaules des élus me paraît trop grande. Certes, nous bénéficions d’heures de délégation mais il est très difficile de les utiliser au vu de nos emplois du temps. C’est parfois frustrant et stressant tant il paraît compliqué de tout mettre en œuvre pour remplir correctement son rôle. Pour être honnête, je ne suis pas sûr de renouveler l’expérience. Être élu est certes très intéressant, on se sent encore plus impliqué dans son entreprise, mais c’est une pression supplémentaire que je ne pense pas pouvoir gérer sur le long terme. »

Malgré cet état de fait, tous les élus bénéficient cependant de ce droit à la formation dès lors qu’ils s’engagent dans un mandat et ils peuvent même en demander le renouvellement. La loi considère en effet qu’ils sont susceptibles de devoir mettre à jour leurs connaissances au cours de leur mandat notamment lorsqu’une nouvelle loi susceptible d’impacter leurs missions entre en vigueur ou bien que de nouveaux outils technologiques sont mis à disposition des salariés. Renouvelable, le droit à la formation se veut également adapté à la taille des entreprises et donc des CSE. Ainsi, les règles régissant la formation des CSE ne sont pas les mêmes selon les effectifs des entreprises. L’objectif est de rendre le plus pertinent possible les formations dispensées.

Les élus des CSE des entreprises de moins de 50 salariés qui couvrent globalement les mêmes missions que les ex-délégués du personnel sont invités à suivre une formation qui se concentre sur les attributions essentielles des élus. Le but ici sera de faire un point sur les missions du CSE, ses domaines de compétence, son fonctionnement, les règles juridiques qui le cadrent tout en appréhendant les clés d’une bonne animation du dialogue social. Il faut préciser que ce type de formation n’est en rien obligatoire dans les entreprises de moins de 50 salariés. Les membres du CSE peuvent évidemment négocier un temps de formation avec leur employeur. Mais rien n’oblige ce dernier à leur accorder.

Les formations SSCT & économiques : obligatoires !

En revanche, ils ne pourront pas faire l’impasse sur la formation santé et sécurité. L’article L.2315-18 du Code du travail est très clair sur ce point : « Les membres de la délégation du personnel du comité social et économique bénéficient de la formation nécessaire à l’exercice de leurs missions en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail. » Rien de plus logique quand on reprend l’intitulé d’une des premières missions de tout CSE qui est, selon le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités, de « contribuer à la promotion de la santé, de la sécurité et des conditions de travail dans l’entreprise ». C’est cette prérogative qui permet au CSE de réaliser des enquêtes en matière d’accidents du travail, de maladies professionnelles ou à caractère professionnel. En outre, le CSE dispose du droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes et en cas de danger grave et imminent.

Le sujet demeure d’une telle importance qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que la formation en santé, sécurité et conditions de travail ait été rendue obligatoire pour tous les CSE, quelle que soit la taille de l’entreprise. Cette formation concerne tous les membres de la délégation du personnel du CSE mais aussi le réfèrent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné par le CSE parmi ses membres.

Elle dure au minimum cinq jours lors du premier mandat des élus. En cas de renouvellement de ce mandat, les membres du CSE bénéficient d’une mise à jour. Celle-ci dure au minimum trois jours mais elle s’allonge jusqu’à cinq jours pour les membres de la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les entreprises de plus de 300 salariés.

L’objectif de cette formation est de donner les bases des méthodes et des procédés à mettre en œuvre en tant qu’élus pour prévenir les risques professionnels et améliorer les conditions de travail. Elle doit, par ailleurs, exercer la sensibilité des membres du CSE quant aux risques professionnels et aux conditions de travail.

Voir clair dans les comptes du CSE

La seconde formation obligatoire pour les élus s’attaque au volet économique et financier de leurs fonctions. Seuls les titulaires se voient soumis par la loi à cette formation. Néanmoins, les suppléants peuvent y participer avec l’accord de l’employeur. Quoi qu’il en soit, seuls les titulaires bénéficient du congé de formation économique, sociale et environnementale et de formation syndicale. Encore une fois, le Code du travail cadre tout cela en précisant que ce congé est « de droit, sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis conforme du comité social et économique, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise. Le refus du congé par l’employeur est motivé. En cas de différend, le refus de l’employeur peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes dans des conditions fixées par décret en conseil d’État ».

Cette formation a pour principal objectif d’informer les élus sur le fonctionnement du CSE et de les préparer à l’analyse des comptes de l’entreprise. Des éclairages juridiques permettent ainsi aux élus de comprendre les règles d’organisation et de fonctionnement du CSE ainsi que des réunions qui l’animent. La formation aborde, par ailleurs, les conséquences d’une restructuration d’entreprise, les cas de licenciement économique ou bien encore de rupture conventionnelle collective. La partie dédiée au financier de la formation s’intéresse au budget de fonctionnement du CSE afin d’en comprendre les mécanismes basiques de comptabilité mais aussi à l’analyse des différents éléments financiers de l’entreprise.

Les élus, titulaires comme suppléants, ne sont pas tenus de s’arrêter à ces deux formations obligatoires.

Au-delà des formations obligatoires

Pour être efficaces et garantir le bon fonctionnement du CSE, ils peuvent aller bien au-delà notamment pour être au fait du rôle et des missions des différentes commissions qui peuvent être créées dans l’entreprise. Ces dernières abordent des thématiques bien précises qu’il convient de maîtriser. Il en va ainsi de la commission de la formation, celle d’information et d’aide au logement ou bien encore celle à l’égalité professionnelle, toutes obligatoires pour les entreprises de plus de 300 salariés. Même chose dans les entreprises de plus de 1 000 salariés où une commission économique doit voir le jour tout comme pour les CSE dépassant certains seuils fixés par décret qui doivent mettre en place une commission des marchés.

En acceptant d’assurer certains postes, les élus peuvent également sentir le besoin de suivre des formations particulières. Cela peut notamment être le cas des présidents de CSE qui ont un rôle primordial pour instaurer et préserver un dialogue social constructif. La fonction comporte de nombreuses responsabilités et requiert logiquement des compétences techniques et relationnelles spécifiques qu’une formation peut aider à acquérir.

Aussi utiles soient-elles, ces formations restent facultatives et, par conséquent, leur coût ne peut être imputé à l’employeur. C’est bien au CSE, à travers son budget de fonctionnement, de régler la note. D’ailleurs, il devra également financer la formation économique obligatoire via ce même budget de fonctionnement alimenté néanmoins en partie par une subvention de fonctionnement versée annuellement par l’employeur.

Les modalités de financement de la formation santé et sécurité sont différentes. En effet, les frais qui y sont liés doivent être entièrement pris en charge par l’employeur. La loi détaille les comptes. Ainsi, l’employeur règle les frais de déplacement à hauteur du tarif d’un billet de train de deuxième classe permettant d’effectuer le trajet directement jusqu’au lieu de dispense de la formation.

De la même manière, il prend en charge les frais de séjour à hauteur du montant de l’indemnité de mission applicable aux déplacements temporaires des fonctionnaires. Enfin, il règle la note des formateurs à concurrence d’un montant dont le taux horaire, par jour et par membre formé, doit être inférieur à l’équivalent de trente-six fois le Smic. Évidemment, lorsque les frais dépassent le cadre prévu par la loi, le CSE peut y aller de son enveloppe, toujours ponctionnée sur son budget de fonctionnement.

Précisons encore, s’il en était besoin, que le temps consacré à la formation ne peut qu’être pris sur le temps de travail et être rémunéré comme tel. Ainsi, il ne peut être déduit des heures de délégation.

On l’a dit, sur le principe, l’employeur ne peut refuser une demande de formation. Toutefois, il existe des exceptions à la règle, comme toujours. Ainsi, celui-ci n’est pas tenu d’accepter la demande si les membres du CSE ont déjà épuisé leur stock de jours de formation exigés par la loi. De la même manière, on l’a dit, s’il justifie que l’absence du salarié membre du CSE peut porter préjudice à l’entreprise, l’employeur peut refuser la demande de formation en la reportant, dans un délai maximal de six mois. En cas de refus, l’employeur doit en informer son salarié dans un délai de huit jours.

D’autres règles régissent encore ces formations. Ces dernières ne peuvent en effet être délivrées que par des organismes habilités. Il peut s’agir d’organismes agréés par arrêté ministériel que l’on retrouve sur une liste arrêtée par le ministre chargé du Travail ou bien d’organismes agréés par le préfet de région. Ils apparaissent eux aussi sur une liste, définie cette fois par le préfet de région après avis du Comité régional de l’emploi.

Pour qu’une demande de formation soit valide, il convient, par ailleurs, que le membre du CSE qui souhaite bénéficier de son congé le demande suffisamment tôt, c’est-à-dire au moins trente jours avant le début du stage. En plus de la date à laquelle il souhaite prendre son congé, il en aura précisé la longueur ainsi que le prix du stage et le nom de l’organisme chargé de le mettre en œuvre. À ce propos, il appartient toujours aux élus de choisir leur organisme de formation que celle-ci soit financée par l’employeur ou le CSE. Diverses quant au fond, les formations peuvent prendre différentes formes. On distinguera celles délivrées aux salariés d’une seule et même entreprise de celles qui regroupent des élus issus de différentes sociétés. Évidemment, si la première forme permet d’individualiser la formation, elle représente un coût plus élevé. De fait, en partageant le formateur et le temps de formation, les élus qui participent à une formation interentreprises en réduisent le coût. Ils peuvent également bénéficier des expériences des autres participants.

Les formations en ligne représentent encore une autre possibilité. Mooc (Massive Online Open Course), Cooc (Corporate Online Open Course) ou Spoc (Small Private Online Course) permettent de se former sans se déplacer, depuis son bureau. On peut même mixer les deux formes d’enseignement avec le « blended learning » où l’on découvre la partie théorique en ligne avant de mettre en pratique les enseignements avec un formateur au sein de son entreprise. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’adresse !

Article rédigé par Sébastien Dieulle

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