Juridique

Temps partiel, attention à la limite !

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Choisi ou subi, le temps partiel est classé dans les contrats précaires. La durée du travail prévue contractuellement constitue un enjeu non négligeable, puisque les travailleurs à temps partiel peuvent cumuler plusieurs emplois, ou mettre à profit leur activité réduite pour se concentrer sur leur vie personnelle, notamment sur leurs études ou leur famille. Toute surcharge d’activité risque ainsi de les mettre en difficulté. Heureusement, la loi veille.

Pour parler de conditions de travail indignes, il n’est pas forcément nécessaire d’aller dans des pays lointains.

Pourquoi protège-t-on les travailleurs à temps partiel ?

De l’autre côté de la Manche, nos amis anglais ont inventé le contrat « zéro heure », un concept simple, un contrat où aucune durée minimale de travail ne s’impose à l’employeur. Si celui-ci fait face à une activité importante, il peut solliciter les salariés autant qu’il le souhaite. Si c’est le calme plat, les collaborateurs restent chez eux, sans être rémunérés, cela va sans dire. Bien évidemment, si un salarié ne se rend pas disponible parce qu’il occupe également un second emploi, il risque de ne pas être rappelé par l’entreprise lorsque celle-ci cherche de la main d’œuvre. Le dispositif est extrêmement décrié chez nos voisins à cause de l’immense précarité qu’il génère ; les travailleurs ne connaissant jamais à l’avance ni leur emploi du temps, ni leur rémunération, tout en étant contraints de se tenir à disposition de l’employeur s’ils veulent pouvoir travailler. On imagine sans mal le succès de tels contrats dans un dossier de demande de prêt, ou de candidature pour une location.

Si la France ne permet pas de telles extrémités, le temps partiel y reste souvent synonyme de situation fragile pour les salariés. En raison de revenus moindres, ceux-ci sont parfois contraints d’occuper en parallèle d’autres emplois, et sont aussi moins enclins à contester la politique de l’employeur. Certaines entreprises ont d’ailleurs trouvé un moyen d’éviter les grèves en embauchant massivement des salariés en contrat à temps partiel. Dans d’autres cas, la situation relève d’un choix des collaborateurs, lié à des nécessités personnelles, le cas typique concernant les étudiants mais également les parents soumis à des problèmes de garde. Quelle que soit la raison, les salariés à temps partiel bénéficient de protections afin que ceux-ci ne deviennent pas des variables d’ajustement de l’entreprise, au détriment de leurs autres activités.

L’article à noter, L. 3123-26 du Code du travail : un employé peut demander un passage à temps partiel, soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale correspondant à un temps plein. Lorsque le salarié formule une demande écrite et motivée, l’employeur ne peut refuser que s’il justifie de l’absence de poste disponible, ou de l’impossibilité de transformer son emploi à temps partiel. Un dispositif plutôt rigide… Comme tous les contrats dérogeant au sacrosaint CDI à temps plein, le contrat à temps partiel doit faire l’objet d’un écrit précisant la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail. Un plancher de 24 heures hebdomadaires est prévu par l’article L. 3123-27 du Code du travail, afin de garantir un revenu minimum et d’éviter l’abus de contrats ultracourts. Il ne peut y être dérogé que dans certains cas spécifiques, notamment pour les contrats étudiants (ce serait dommage de sécher un amphi pour aller travailler), ou pour les travailleurs souhaitant cumuler plusieurs activités afin d’atteindre un temps plein. La demande doit émaner des salariés.

En outre, le contrat doit fixer la répartition des horaires entre les jours de la semaine, et les modalités permettant à l’employeur de modifier celle-ci (parmi les circonstances le permettant : un surcroît d’activité ou le remplacement d’autres salariés). Cette mention est essentielle car, à défaut de précisions, l’employeur ne peut imposer de modifications d’emploi du temps aux collaborateurs. Si le contrat autorise l’employeur à changer les horaires, ce dernier doit cependant respecter un délai de prévenance de sept jours (attention, une convention collective peut le réduire à trois jours). Un point utile à connaître : l’article L. 3123-12 du Code du travail qui autorise les salariés à refuser toute modification incompatible avec une nécessité familiale impérieuse, une activité chez un autre employeur, ou encore le suivi d’une activité d’enseignement (et ce, même si les amphis ne sont pas obligatoires).

Les heures complémentaires

Point d’heures supplémentaires pour les salariés à temps partiel : on parle d’heures complémentaires. Celles-ci sont les heures effectuées au-delà de la durée prévue au contrat. Le taux de majoration est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième de la durée de travail contractuelle, et de 25 % pour chacune de celles effectuées entre le dixième et le tiers des heures stipulées dans le contrat de travail.

Elles font surtout l’objet d’un encadrement spécifique, imposé par les articles L. 3123-9 et 10 du Code du travail. Le contrat doit ainsi préciser les limites dans lesquelles l’employeur peut so-

liciter la réalisation d’heures complémentaires, sachant que la loi prévoit un plafond de 10 % du nombre d’heures prévu au contrat. Par exemple, si ce dernier prévoit une durée hebdomadaire de 25 heures, la loi ne permet au salarié d’effectuer que 2 h 30 en complément chaque semaine. Une convention collective peut cependant porter ce plafond à un tiers. Le refus d’accomplir les heures complémentaires proposées par l’employeur au-delà de cette limite ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Surtout si le contrat est silencieux, l’employeur ne peut imposer à son salarié de travailler davantage que la durée fixée.

En tout état de cause, la réalisation d’heures complémentaires ne doit pas avoir pour effet de porter la durée de travail au niveau de sa durée légale, soit 35 heures.

Dépasser, c’est donner !

Au regard de l’importance de la durée d’un contrat à temps partiel pour le salarié, les dépassements font l’objet de règles contraignantes. Ainsi, lorsque sur douze semaines, l’horaire moyen réellement accompli par un collaborateur a dépassé d’au moins deux heures hebdomadaires la durée contractuelle, le salarié peut solliciter une réévaluation de son contrat à hauteur des heures effectivement travaillées.

Si les heures complémentaires ont pour effet de porter, même de manière très ponctuelle, la durée du travail du collaborateur à hauteur des 35 heures de droit commun (soit la durée du travail à temps plein), il peut solliciter la requalification de son contrat en contrat à temps plein. L’employeur sera alors obligé de lui fournir 35 heures de travail par semaine et, dans tous les cas, de le payer sur cette base.

C’est ce qui est arrivé à une entreprise ayant fait travailler 35 heures par semaine un salarié à temps partiel pendant un mois, sur une durée de contrat de plus de huit ans (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 mars 2014, n°12-15.014). On est à temps partiel ou on ne l’est pas !

Article rédigé par Pierre Corbier, avocat, Cabinet Komitê Avocats

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